Le GreenIT en panne de thermomètre
Le Green Grid tire la sonnette d'alarme. Alors que le GreenIT est devenu le mot d'ordre chez nombre de constructeurs, et même d'éditeurs (parfois à raison), le consortium qui veut « nettoyer » les centres de calculs peine à imposer ses standards en matière de mesure de la consommation énergétique. Avant de lutter contre le réchauffement climatique, il faut s'accorder sur le thermomètre !
Comment améliorer son taux d'émission de Co2 quand on ne dispose pas d'outils pour le mesurer ? Comment devenir pro-actif en matière d'environnement si aucun standard de contrôle n'émerge ? Ces questions forment les fondements de la mission que s'est fixé le Green Grid, consortium d'industriels dont le but est de rendre les centres de calculs plus éco-responsables. De visite à Paris dans les locaux d'APC à Issy les moulineaux, Jim Pappas, d'Intel, et John Tuccillo, d'APC, sont venus évangéliser leur quête écologique en France.
« Nous avons besoin d'un ensemble de vocabulaire, de mesures et d'un cadre de bonnes pratiques pour savoir comment améliorer la situation. Parce que vous ne pouvez pas améliorer ce que vous ne pouvez voir », explique John Tuccillo, vice-président d'APC en charge des relations inter industries. Dans ces propos, presque un constat d'échec : en matière de GreenIT, les datacenters sont sans repères clairs. Sans encadrement spécifique. Sans ligne de conduite. S'ils sont dans l'ensemble sensibilisés au besoin de reduire leur consommation d'énergie, et la facture qui en découle, peu ont mis en place des politiques adaptées ou adopté des lignes de conduite éco-reponsables. Faute de canons, ou d'obligation légale, l'optimisation de la consommation énergétique ne s'est pas (encore) imposé comme une priorité pour le datacenter.
Une grille de calcul qui fait défaut
Et les chiffres parlent. Une étude d'Aperture Research Institute de mai 2008 a révélé que sur la centaine de responsables de centres de calculs interrogés, 34 % n'ont pas de projets d'optimisation de la consommation énergétique, 37 % l'envisagent d'ici un an. Et 29 % l'ont déjà mis en place. Mais sans métrique standardisée. Sur l'ensemble de l'échantillon, 37 % n'envisagent pas de mesurer les performances énergétiques de leur datacenter. Alors que 24 % s'y emploient. Une répartition déséquilibrée que l'EPA (Environment Protection Agency – l'agence gouvernementale américaine de protection de l'environnement) attribue, encore une fois, à l'absence de points de contrôle précis sur chaque composant d'un datacenter.
Pire, cette même étude révèle également que trois quarts des directeurs sondés affirment ne pas activer les outils de réduction de consommation sur les serveurs, s'ils réduisent aussi les performances. Et pour cause, 15 % estiment ces économies impossibles, voire inutiles, sans outil de mesure. 37 % estiment le gain trop faible (toujours sans outil de mesure). Pour 48 % d'entre eux, le simple fait de priver les utilisateurs d'une partie de la performance au profit de l'économie d'énergie n'est purement pas envisageable.
Face à une telle inertie, le Green Grid a des réponses. Et tente de coordonner ses travaux autour de quatre groupes de travail : un premier focalisé sur des méthodes de récupération des données (Data collection and analysis), un autre axé sur l'étude des technologies (datacenter technology and strategy), un troisième sur le développement de bonnes pratiques et de méthodologies (Datacenter operation). Et enfin un quatrième basé sur la mise au point de mesure de performance et de protocoles pour collecter les données. "Ce dernier est bien notre priorité", rappelle Jim Pappas, directeur des nouveaux projets chez Intel.
Un système de notation des centres de calculs
Le consortium a mis en forme deux échelles barométiques pour calculer les dépenses énergétiques de l'IT dans toute l'infrastucture du centre de calcul. Deux équations mathématiques nommées PUE (Power usage effectiveness qui calcule le rapport des dépenses énergétiques totales du centre sur celles de l'IT) et DCIE (Datacenter efficiency qui calcule le ratio inverse). Ces dernières seront utilisées à terme dans un barême de notation, sur lequel plache le consortium. L'idée maîtresse : noter les centres de calculs en fonction de leur éco-responsabilité. Cinq rangs devraient s'en dégager : un premier qui identifie simplement un projet GreenIT, mais ne répond pas aux critères, puis bronze, silver, gold et Platinium. Ce dernier représentant le degré le plus élévé dans l'éco-responsabilité.
Reste à lever la résistance des entreprises, qui pour l'heure reste vigoureuse. Si le consortium milite fermement et travaille en collaboration avec l'EPA, « il a encore un besoin de reconnaissance », souligne APC. Une question d'éducation, mais aussi dle besoin de faire évoluer une culture d'entreprise encore trop sclérosée. « Dans les entreprises très hiérarchisées, on entend encore trop souvent : la consommation d'énergie importe peu. Il faut surtout comprendre: ce n'est pas mon travail. » La tâche s'avère décidemment bien difficile pour le consortium.
L'UE travaille sur un code de conduite des datacenters
La Commission européenne travaille depuis 2007 sur un code de conduite en matière d'éco-responsabilité des datacenters. La rédaction de ce dernier réunit à la même table les fabricants de tous les matériaux (refroidissement, bâtiments, onduleurs, serveurs), les éditeurs, les consultants et les gouvernements dans le but de créer des mesures pérennes de la consommation d'énergies dans les centres de calculs, mais aussi dans celui de créer des bonnes pratiques. « Il s'agit d'une démarche basée sur un engagement volontaire, pas une directive, résume André Rouyer, représentant du Green Grid dans le groupe de travail Datacenters Code of Conduct (CoC) de la Commission. Pour le moment, le groupe de travail s'est focalisé sur les bonnes pratiques et collabore avec le Green Grid en ce qui concerne les mesures ».
« Il s'agit davantage de faire prendre conscience aux acteurs et de bâtir les bases d'une reflexion. Une première étape en somme », illustre André Rouyer, qui pense qu'il faudrait impliquer davantage d'acteurs dans le projet. Car le problème est complexe dans le sens où il englobe un grand nombre d''intervenants de plusieurs secteurs d'activités.
En signant ce code de conduite, les acteurs s'engagent sur la voie de l'éco-citoyenneté. Sans prendre d'obligation, certes. Le document, encore au stade d'ébauche, devrait être finalisé à la fin de l'année.
Télécharger le texte du code de conduite.