Logiciels libres : des entreprises toujours à évangéliser
Plus cher, moins cher, cher différemment ? L’évaluation et la preuve par le ROI en amont des projets de déploiement libre en entreprises restent clé dans la décision. Et la diversité des modèles économiques proposés par les fournisseurs n’est pas nécessairement rassurante. Pour ces derniers, l’heure semble donc venue de mettre en place des référentiels d’évaluation.
Particulièrement fournie en conférences, quoique reléguée sur un site annexe, la thématique « entreprises » des 9e rencontres mondiales du logiciel libre (RMLL) a surtout été l’occasion de parler pouvoir d’achat et pérennité du modèle économique. Pour les organisateurs, l’effort d’évangélisation du grand public et notamment des entreprises utilisatrices entamé lors des précédentes rencontres doit être poursuivi pour rassurer sur un modèle peu évident, qui rompt avec la logique de rente, et pour apporter la preuve d’un ROI intéressant.
Quelle évaluation du coût du libre ?
Le coût – ou son absence supposée – demeure en effet l’un des angles d’attaque privilégiés des acteurs du logiciel libre pour pousser à son adoption. Laurent Caillot, de Capgemini, s’est penché sur une méthodologie censée permettre l’évaluation du coût réel d’un projet Open Source. Selon lui, il convient de tordre le cou à quelques idées reçues qui ont la vie dure, notamment celle qui associe logiciel libre à gratuité. Pour Laurent Caillot, « le coût de licence est, bien sûr, inférieur à celui d’un choix propriétaire, mais le coût de support est identique. Reste le coût de basculement qui peut souvent s’avérer important ». Ces trois éléments sont donc à prendre en compte d’autant que les modèles évoluent.
Laurent Caillot explique ainsi que l’on a aujourd’hui une mutation du modèle « avec des organisations qui se transforment en éditeur. » Il s’agit donc de « bien regarder ce qui est libre et ce qui l’est moins, en terme de coût de licence initial notamment. » Reste que, selon lui, « l’un des éléments clé du calcul, c’est l’intégration du coût de la reprise de données, par exemple en bureautique ».
Des idées reçues qui fonctionnent dans les deux sens. « Sur la prestation de service elle même, le coût est le même, on oublie souvent qu’il faut également du support pour les logiciels propriétaires, et il n’est pas moins onéreux que pour un logiciel libre. »
L’effort d’évangélisation doit demeurer
L’évangélisation, notamment du côté des PME, doit cependant fonctionner à fond car si les choix évoluent - particulièrement en France, en tête des adoptions en Europe - le logiciel libre ne pèsera guère que 1 milliard d’euros de revenus en 2008 dans l’Hexagone, avec cependant des niveaux de croissance annuelle qui dépassent les 50%. Côté marché, Laurent Caillot note que « dans la sphère publique, on a une tendance lourde à la reprise en main de son SI, notamment pour des questions de coûts, mais également pour des questions de choix politiques d’indépendance, donc on s’oriente plutôt vers l’Open Source. Dans le privé, le taux de pénétration est moindre. Sur la couche ERP par exemple, on est encore plutôt sur du propriétaire en infogérance, notamment dans l’industrie. Dans le secteur tertiaire en revanche, on commence à observer un basculement ».
Beaucoup de modèles de développement et peu d’élus
Autre intervenant, Laurent Seguin de l’Aful, association francophone des utilisateurs de Linux et des logiciels libres, insiste sur les différents modèles économiques du libre. En février, l’Aful a publié un référentiel recensant quelque 14 modes de financement allant de la souscription à l’adoption de modèle de licence. Selon lui, tout est en place pour assurer la pérennité du modèle même s’il reconnaît qu’il y a beaucoup de casse et d’abandon de projets en cours de route puisque, refusant souvent la rente de la licence, les projets ont plus de mal à être rentables à court terme. « Mais c’est normal, de nombreux projets libres sont menés par des étudiants qui, un jour, travaillent et n’ont plus le temps de les pousser ».
En clair, il en va d’un projet libre comme de la chanson : il lui faut trouver son public et le premier doit être celui de développeurs prêts à le pousser afin de constituer une communauté de support et de développement. Une question se posera cependant rapidement au fur et à mesure de la montée en puissance du modèle : les plus populaires seront-ils les plus intéressants ?