Dividende numérique : pas grand chose pour le haut débit
La commission sur le dividende numérique a finalement accouché d'une souris. Le rapport remis au premier ministre ménage ainsi la chèvre et le chou et n'alloue qu'une part finalement faible des fréquences libérées par la TV analogique au haut débit. Et si on avait plutôt travaillé sur un scénario d'extinction de la TV hertzienne (TNT comprise), pour favoriser la TV par ADSL, par la fibre et le développement d'une vraie offre haut débit pour les campagnes...
Depuis hier, on a une petite idée de la façon dont l'Etat entend réallouer le dividende numérique, cet ensemble de fréquences libérées par l'abandon progressif de la diffusion de la télévision analogique. La commission du dividende numérique a en effet rendu son rapport final au Premier Ministre.
Tirer profit de l'arrêt de la TV analogique
Depuis le vote de la loi de mars 2007, la question se pose de savoir qui seront les principaux bénéficiaires des fréquences hertziennes libérées par la bascule de la TV analogique vers le numérique. Au total, l'abandon progressif de la diffusion de la télévision en analogique va libérer une bande de 180 MHz dans la bande UHF et 49 MHz dans la bande VHF (entre 174 et 223 MHz), en partie utilisée par Canal+ pour sa diffusion analogique, soit un "dividende numérique" total d'environ 230 MHz.
La loi a en effet fixé cinq objectifs parfois contradictoires pour l'exploitation de ce dividende. Il s'agit en effet de favoriser la diversification de l'offre de services (nouveaux services de communications électroniques haut débit et mobiles, nouveaux services audiovisuels tels que TVHD, Télévision mobile DVB-H, radio numérique), d'améliorer la couverture numérique du territoire (TV, téléphonie mobile...), d'améliorer sur le territoire l'égalité d'accès aux réseaux de communications électroniques, de développer l'efficacité des liaisons hertziennes des services publics (et notamment des réseaux de communication des forces de l'ordre et de l'armée) et enfin de développer la gestion optimale du domaine public hertzien.
Peu de place pour le haut débit
Sans surprise, la commission parlementaire préconise l'utilisation de la bande III-VHF pour le lancement de la radio numérique et l'attribution de la bande 790–862 MHz pour les services mobiles (cette bande avait de toute façon fait l'objet d'une réservation suite aux travaux d'harmonisation de la Conférence mondiale des radiocommunications de novembre 2007). Le solde serait alloué à la diffusion des multiplex de télévision numérique en haute définition (13 multiplex prévus à terme, pour un total de 39 à 52 chaines). A titre de comparaison, des pays comme les Etats-Unis ou le Royaume-Uni ont alloué plus de 100 MHz aux services haut débit sans fil, ce qui permet d'envisager plus d'acteurs sur le marché ou plus de spectre par acteur (donc potentiellement de meilleurs débits).
En fait, les orientations préconisées par la commission n'ont rien que de très classique (ce qui n'est guère étonnant au vu des membres de la commission et de ses conseillers tels l'ancien patron de l'ART, Jean-Michel Hubert, aujourd'hui président délégué du Comité stratégique pour le numérique) : Aux villes le vrai haut débit avec la fibre et aux campagnes le moyen débit sans fil (la commission ne semble avoir d'ambition plus forte que 10 Mbit/s pour tous en 2012).
On aurait aimé une apporche peut-être plus iconoclaste. Ainsi, la moitié des francais reçoivent déjà la TV par un autre moyen que l'hertzien - TNT incluse - (et ils ne devrait pas être plus de 20% à encore recevoir la TV par l'hertzien en 2020 selon des chiffres de l'Idate). Plus de 5 millions de foyers recevraient déjà la TV par ADSL et autant par satellite, sans compter les abonnés au câble. Ces moyens de diffusion ne devraient que se développer avec notamment l'arrivée de la fibre dans les villes et l'extension des services TV sur ADSL en périphérie des grands centres urbains. Bref plutôt que de s'interroger sur comment avoir plus de services HD sur la TNT, on aurait pu se poser la question de savoir s'il fait encore sens aujourd'hui d'allouer de précieuse ressources à un moyen de diffusion de moins en moins utilisé. A l'heure où la question se pose du financement du déploiement de la fibre (et ou la nocivité des émissions hertziennes fait débat), on aurait pu travailler sur un scénario d'extinction totale à horizon 10 ou 15 ans de la TNT pour réallouer les investissements à la couverture du territoire en fibre optique et DSL rapide (quitte a rendre obligatoire l'équivant d'un service antenne HD pour les opérateurs télécoms). On aurait ainsi fait coup double. D'un côté on aurait dopé le développement géographique et l'adoption de service à très haut débit et de l'autre c'est une large bande de fréquence qui se serait trouvée libérée et utilisable pour des vrais services sans fil à haut débit. Mais Il faut croire que l'attachement à l'antenne rateau était trop fort...
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