Maintenant GL Trade ! L'hémorragie se poursuit pour le logiciel français
L'Américain Sungard se porte acquéreur du Français GL Trade, un des principaux éditeurs de l'Hexagone. Avec les rachats de BO (par SAP) et de Ilog (par IBM), ce sont trois champions du logiciel à la française qui sont passés en quelques mois entre des mains étrangères. Malaise à l'heure où le gouvernement cherche à doper notre économie du numérique.
BO, puis Ilog et maintenant GL Trade. L'Américain Sungard a annoncé ce matin son intention d'acquérir le Français GL Trade, un spécialiste des logiciels pour les services financiers. Selon le communiqué diffusé par les deux sociétés, Sungard et les fondateurs de l'éditeur hexagonal, regroupés au sein de la Financière Montmartre, sont entrés en discussion pour que le premier rachète la holding des seconds, qui détient 64,5 % du capital de l'éditeur. Par la suite, Sungard lancera une OPA sur le reste du capital de GL Trade.
L'opération, conclue au prix de 41,7 euros, valorise l'éditeur hexagonal à un peu plus de 400 millions d'euros. Soit 24 % de mieux que le cours de la société au 31 juillet et une surprime de 53 % par rapport à la cotation du 5 mai, date à laquelle les premières rumeurs de vente de la holding des fondateurs ont commencé à se répandre.
Sungard, qui en plus de ses activités dans la continuité d'activité dispose déjà d'une division spécialisée dans les logiciels financiers, espère conclure l'opération avec Financière Montmartre dans le courant du quatrième trimestre. Un préalable au lancement de l'OPA et à la levée des autres obstacles légaux.
"Plus qu'un signal d'alarme"
Selon un porte-parole de Sungard, les deux sociétés ont des couvertures géographiques très complémentaires (l'acquéreur réalisant 70 % de son activité aux Etats-Unis, tandis que GL Trade est à 70 % un acteur européen), des cultures d'entreprise compatibles et des porte-feuille de produits complémentaires.
Après BO et Ilog, c'est le troisième éditeur hexagonal de poids à passer entre des mains étrangères en quelques mois. Avec 203 millions d'euros de chiffre d'affaires selon le classement établi par la société de capital risque Truffle Capital, GL Trade occupait en 2007 le quatrième rang national. L'éditeur français emploie 1 400 personnes. Et a réalisé un CA de 108 millions d'euros au cours des six premiers mois de 2008, en progression de 15 %.
"En une semaine, avec les rachats d'Ilog et de GL Trade, 7 % des effectifs français de R&D dans le logiciel viennent de passer sous contrôle étranger, s'alarme Bernard-Louis Roques, directeur général et co-fondateur de Truffle Capital. Et malheureusement, ce n'est pas fini : plusieurs autres éditeurs qui figurent dans le Top 10 hexagonal cherchent à se vendre." Ce spécialiste de l'économie du logiciel souligne l'opportunisme des acteurs américains "rodés aux acquisitions et capables de saisir les opportunités qu'offre une crise boursière". Le cours de l'action de GL Trade était ainsi dernièrement revenu à son niveau d'il y a trois ans.
Derrière Dassault, le désert ou presque
De facto, l'édition nationale se trouve privée en quelques mois de trois de ses champions à l'international. Derrière Dassault Systèmes (1,26 milliard d'euros en 2007) et, dans une moindre mesure, Axway (filiale de Sopra), l'Hexagone ne compte plus de vrai acteur de poids capable de peser sur les marchés internationaux.
Un sujet de réflexion (d'inquiétude ?) pour Eric Besson, le secrétaire d'état au Développement de l'économie numérique, à l'heure où celui-ci s'apprête à mettre sur pied son plan numérique 2012, censé favoriser le développement de l'économie IT en France au cours des quatre années à venir. Selon Bernard-Louis Roques, la "priorité des priorités" reste la mise en place d'un Small Business Act à la française. A l'instar de ce qui se pratique outre Atlantique, cette mesure permettrait de réserver une part de l'achat public aux PME du logiciel.