En visant la comptabilité de la SG, Kerviel appuie là où ça fait mal

Daniel Bouton espérait que l'affaire Kerviel était derrière lui. Mais rien n'est aujourd'hui moins sûr. En changeant de stratégie de défense, l'ex-trader attaque désormais là où ça fait mal : la comptabilité.

Pour Jérôme Kerviel, le trader de la Société Générale qui a causé une perte de 5 milliards d'euros en janvier dernier et qui est poursuivi pour "faux, abus de confiance et intrusion informatique", la meilleure défense, c'est l'attaque. Après avoir renouvelé son équipe d'avocats, le trader radicalise sa position et met en cause directement la direction de la banque pour "complicité". La thèse défendue par les avocats du trader ? La direction a non seulement fermé les yeux, mais a également introduit des éléments fictifs dans la comptabilité. Selon Le Monde, l'un des défenseurs de Jérôme Kerviel dit s'appuyer sur des e-mails internes faisant état de ces éléments fictifs.

Qu'en disent les commissaires aux comptes ?

En conséquence, les avocats de Jérôme Kerviel demandent à ce que les commissaires aux comptes de la banque - Deloitte & Associés et Ernst & Young - soient entendus. Ce changement de stratégie consiste à déplacer la loupe des enquêteurs du contrôle des risques - un domaine où Jérôme Kerviel a su exploiter les failles d'un système qu'il connaissait bien, comme l'a révélé l'audit interne de la banque - vers la comptabilité. Un domaine sur lequel la Société Générale est restée très discrète. Le rapport de la ministre Christine Lagarde au Premier ministre signalait pourtant, parmi les points à surveiller, le suivi des flux de trésorerie, des appels et versements de marges, les dépôts de garantis et résultats réalisés. Un point que n'avait pas commenté la SG.

En février dernier, un spécialiste du contrôle des risques qui commentait pour LeMagIT le rapport de l'audit interne de la banque trouvait crédible les explications de la banque sur les stratégies de contournement du contrôle des risques imaginées par Jérôme Kerviel. Mais s'étonnait déjà que la fraude soit découverte si tard « au moment où les états réglementaires étaient préparés pour la Banque de France ».

"Il appuie là où ça fait mal"

Un observateur, très proche du dossier, note d'ailleurs, que Jérôme Kerviel "attaque maintenant là où ça fait mal". Si les juges Renaud van Ruymbeke et Françoise Desset demandent à la banque les pièces réclamées par les défenseurs de l'ex trader (e-mails, entrées dans les bases de données), l'affaire pourrait bien rebondir. Et mettre à mal la ligne de défense de la banque, une ligne qui consiste à présenter cette affaire comme la résultante des agissements d'un individu ayant exploité certaines faiblesses de son middle-office (le contrôle des risques). Au printemps, la SG avait mis en avant ses investissements dans la sécurité informatique - notamment dans la biométrie - pour montrer sa volonté d'améliorer ses processus de contrôle, et, ainsi, retrouver la confiance des marchés.

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