HP / EDS : les salariés paient le prix fort pour la fusion
Des gages aux investisseurs sur le dos des effectifs d’EDS. Mark Hurd a tranché avec beaucoup de brutalité, surprenant même les analystes par l’ampleur des suppressions de postes envisagée. Près de 8 % des salariés du groupe seront sacrifiés, principalement parmi les ex-EDS.
Attendu sur le terrain de la réduction des coûts par un parterre d’analystes financiers, Mark Hurd – le patron de HP – a décidé de frapper fort, surprenant même par l’ampleur de la restructuration engagée dans le cadre de la fusion avec la SSII EDS. Pas moins de 24 600 postes seront supprimés sur trois ans, soit 7,7 % des effectifs. Près de la moitié des ces coupes concerneront les Etats-Unis et ce sont les rangs d’EDS qui seront les plus touchés. Des effectifs pourtant déjà réduits par de précédents plans sociaux engagés par la société de services. Officiellement, HP prévoit néanmoins de recaser la moitié des postes dans d’autres activités du groupe.
Au moment de l’annonce du rachat pour 14 milliards de dollars en mai dernier, HP employait 178 000 salariés et EDS, 142 000.
Sans surprise les services généraux des activités de service fusionnés seront les premiers concernés, notamment la comptabilité, les ressources humaines et les fonctions juridiques.
Des coupes à attendre dans l’opérationnel
Reste que – même si peu de détails ont été livrés - la vague de licenciements dépassera largement ces services transversaux. Etonnamment puisque même si quelques activités de service étaient concurrentes, les activités d’EDS et de HP services pouvaient apparaître comme complémentaires. Le premier est spécialisé dans l’infogérance, tandis que HP fait plutôt du support et de la maintenance liés à sa base installée.
EDS revendique ainsi l’administration de plus de 65 000 serveurs et le support de plus de trois millions de postes de travail dans le monde. Par ailleurs, le Texan s’est fait une spécialité d’infogérer les services publics. Les différents contrats qui le lient au gouvernement américain représentent ainsi plus de 10 % de son chiffre d’affaires annuel. Une spécificité culturelle que HP souhaite préserver.
Le numéro deux des services
Le nouvel ensemble est censé former le numéro deux du secteur, derrière IBM Global Services. Pour HP, le désir de peser dans les services n’est pas nouveau, mais il aura fallu attendre huit ans, de nombreux échecs et le départ de Carly Fiorina – ex-hégérie du groupe et initiatrice de cette stratégie – pour y parvenir, alors même que l’on pensait que le groupe – par ailleurs en bonne santé – avait abandonné ce projet.
La fusion entre HP et EDS représente le dernier rapprochement monstre d’un secteur qui n’en finit pas de se concentrer. Sur un marché mondial évalué à 748 milliards de dollars en 2007 et en forte croissance (+ 10,5 % par rapport à 2006), la nouvelle activité services d'HP, qui conservera le nom d'EDS, devrait générer près de 40 milliards de dollars de chiffre d’affaires (dont 22 Md$ pour le seul EDS) et employer quelque 185 000 salariés répartis dans 80 pays. A titre de comparaison, le leader mondial, IBM Global Services a réalisé un CA de 54 milliards de dollars en 2007.
Des gages aux actionnaires en matière de retour sur investissement
En coupant ainsi dans les coûts, la direction de HP a privilégié le signal fort aux actionnaires. Le groupe prévoit une économie annuelle de 1,8 milliard de dollars dès lors que les opérations de restructuration seront achevées.
En attendant, il faudra payer la réorganisation et les bénéfices du groupe s’en trouveront détériorés. Sur le prochain trimestre fiscal, une charge de 1,7 milliard a été inscrite à cet effet, soit un coût de 70 000 $ par salarié licencié. Un impact positif sur les bénéfices n’est pas attendu avant 2010. Il faudra également convaincre des salariés – notamment en Europe – qui paient le prix fort. Si 12 000 des 24 600 postes sacrifiés seront situés aux Etats-Unis, on voit mal – alors que l’Inde est vue comme une terre d’expansion pour les SSII – les effectifs du sous-continent être durement affectés. En Inde, EDS emploie près de 30 000 personnes dans le cadre d’une coentreprise de BPO avec Mphasis.
Reste donc le Vieux Continent. Les syndicats s’y attendent. Ils se sont réunis la semaine passée sous l’égide de la Fédération européenne des métallurgistes et d'Uni Europa (fédération des services). Une quarantaine de représentants syndicaux issus de neuf pays européens ont débattu des conséquences de la fusion HP/EDS. Et ont refusé par avance toute vague de licenciements. Le 25 septembre, la réunion extraordinaire du CE européen de HP-EDS s'annonce donc musclée.