OpenWorld 2008 : Oracle étend son emprise au stockage
Après la base de données, le middleware, les progiciels, les systèmes d'exploitation et la virtualisation, voici qu'Oracle se lance dans le stockage, avec sa propre solution de baie de stockage en grille, sur base de composants banalisés HP. Plus que jamais, Oracle semble vouloir contrôler l'ensemble de son écosystème technique. L'approche présente de vrais avantages... et un inconvénient, celui d'enfermer les utilisateurs dans une prison dorée. Elle pourrait aussi fâcher Oracle avec quelques grands partenaires dans le monde du stockage.
Petit à petit, Oracle fait son nid. Connu à l'origine pour son système de gestion de base de données relationnelles (aujourd'hui en version 11g), l'éditeur semble décidé à développer un écosystème complet allant du système d'exploitation aux progiciels en passant par le middleware, les outils de virtualisation et d'administration. En moins de trois ans, Oracle a étendu son emprise au monde des systèmes d'exploitation avec le lancement d'Oracle Linux, un système d'exploitation dérivé de Red Hat Entreprise Linux, et d'Oracle VM, une plate-forme de virtualisation x86, qui lui permet de proposer une alternative à VMware, Microsoft et Citrix.
Ce nouvel accent mis sur les outils d'infrastructure est considéré comme stratégique par Oracle. Il permet à la firme de proposer à ses clients une pile complète allant du système d'exploitation à la base de données dont il peut assurer seul le support. La stratégie rappelle en tous points celle de Microsoft, qui depuis dix ans a assis sa croissance sur le développement d'une pile système complète (Windows Server + .Net, SQL Server...).
Avec parfois les mêmes excès : ainsi Oracle ne supporte officiellement sa pile technique que sur sa propre solution de virtualisation de serveur. Si l'on s'en tient aux textes de l'éditeur, Hyper-V (Microsoft) et ESX Server (VMWare) ne sont pas des environnements supportés, même si les déclarations ambigües de certains dirigeants d'Oracle laissent entendre le contraire. Là encore, la ressemblance avec certaines pratiques récentes de Microsoft sont troublantes, même si le géant de Redmond semble décidé à tourner la page.
Le stockage : dernier eldorado pour Oracle ?
Il ne manquait finalement au géant des bases de données qu'une solution de stockage qui lui soit propre pour boucler la boucle. C'est désormais chose faite avec l'annonce par Larry Ellisson du lancement d'Oracle Exadata Storage, une solution de stockage en cluster dont le principe rappelle celui de baies comme celles de XiV ou d'Isilon. La solution Exadata Storage est le fruit d'un partenariat exclusif entre Oracle et HP. Elle pourrait permettre à Oracle (et donc à son partenaire HP) de prendre pied sur un marché lucratif et en forte croissance, celui du stockage pour grands datawarehouse.
Pour cette offre, les deux compères se sont partagés les responsabilités. Oracle a développé un OS de stockage en grille basé sur Linux, tandis que HP fournit les noeuds serveurs pour la solution, à savoir des serveurs x86 Proliant DL 180 disposant de 12 emplacements pour disques durs. Comme toutes les solutions de stockage en cluster (parfois appelées stockage cellulaire), la solution Exadata Storage distribue les données entre les noeuds serveurs afin d'assurer la redondance et la tolérance aux pannes. Dans le cluster, les noeuds sont interconnectés au moyen d'interfaces Infiniband à 20 Gbit/s afin d'assurer une latence aussi faible que possible.
Selon Oracle, l'ajout de noeuds additionnels accroit à la fois la capacité du système, mais aussi ses performances. En fait l'éditeur annonce une croissance linéaire des performances avec l'ajout de nouveaux noeuds. En cas de panne d'un disque du système, Exadata Storage redistribue automatiquement les données sur le cluster afin de préserver la tolérance aux pannes. En cas de panne d'un noeud complet, les données sont également reconstruites et redistribuées sur les autres noeuds.
La première incarnation de la technologie est l'Oracle Database Machine, un système prêt à l'emploi dans un rack de 42 U, vendu par Oracle et HP, qui embarque huit serveurs pour la base Oracle 11g en cluster et 14 noeuds de stockage Exadata Storage pour une capacité maximale de 50 To. L'ensemble de ces noeuds sont reliés au moyen de commutateurs Infiniband.
Selon Oracle, il est toutefois possible de concevoir des systèmes bien plus ambitieux que le système prêt à l'emploi d'HP. L'éditeur indique ainsi que sa technologie peut couvrir des clusters de bien plus grande ampleur, en interconnectant (toujours via Infiniband) plusieurs rack de serveurs entre eux. Reste qu'Oracle ne fournit pour l'instant pas les limites techniques de son système.
Pour cadrer le débat, la plate-forme de stockage SAN en cluster de XiV (IBM) plafonne aujourd'hui à la connexion de 12 noeuds dans un même rack et ne supportera que prochainement l'interconnexion de deux rack (via Gigabit Ethernet). Côté NAS, Isilon supporte quant à lui l'interconnexion de 96 noeuds via Infiniband, pour un maximum de 2,3 Pétaoctets de capacité dans un système de fichier unique. Mais la solution ne supporte pas le mode bloc.
Grincements de dents et interrogations sur l'évolutivité
Comme a son habitude, Oracle a optimisé Exadata Storage Server pour ses propres solutions. L'éditeur a en fait tiré partie des capacités CPU des noeuds de stockage (chaque noeud embarque deux puces Intel quadri-coeurs et 8 Go de Ram) pour leur confier le traitement d'une partie des requêtes effectuées sur une base Oracle. Le résultat : des performances annoncées jusqu'à 10 fois supérieures à celles d'une grande base Oracle sur un système de stockage traditionnel.
De quoi faire grincer les dents des grands partenaires stockage d'Oracle (dont la division ad hoc d'HP), car le tout s'appuie sur des technologies propriétaires de l'éditeur qu'il leur sera difficile, voire impossible, de répliquer. Autant dire que si Oracle et HP parviennent à faire la preuve de l'efficacité de leur système, les grands du secteur comme EMC, Hitachi Data Systems et NetApp pourraient avoir du souci à se faire, à moins qu'ils ne tentent d'obtenir à leur tour une licence de la technologie d'Oracle.
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