La crise rattrape l'Europe, les banques sacrifient leurs budgets IT
Cette fois-ci, la crise financière touche l'Europe. L'assèchement des liquidités qui en découle pousse les banques à revoir dans l'urgence leurs budgets IT 2009 à la baisse. L'inquiétude grandit.
L'extension de la crise financière à l'Europe, symbolisée par le sauvetage du Belge Fortis et la nationalisation du Britannique Bradford & Bingley, les rumeurs entourant Dexia ou Natixis et la convocation demain à l'Elysée des banquiers et assureurs, tombe au plus mal pour les SSII. En plein arbitrage budgétaire chez ces comptes souvent clés.
"Certes le modèle de la banque française résiste. Mais les établissements sont touchés par le manque de liquidités, explique Lyonel Rouast, directeur général Europe de Compass, qui conseille les très grands comptes en matière de stratégie informatique. Les budgets IT, qui étaient en pleine période d'arbitrage, sont donc victimes de ce phénomène. Certains projets d'investissements sont arrêtés". Des arbitrages qualifiés de "sévères", par Lyonel Rouast. Des rumeurs circulent également, attribuant à l'un des principaux établissements de la place la volonté de baisser de 3% tous les tarifs de ses prestataires.
"En dix jours, tout a changé"
Bref, en quelques jours, le discours dominant, consistant à affirmer que la crise n'affectait pas ou peu les investissements informatiques vus comme stratégiques par les établissements, a été remis en cause. "En dix jours, tout a changé", remarque Lyonel Rouast.
Une alerte sérieuse pour les SSII de la place, qui jusqu'alors avaient traversé la crise des subprimes très sereinement. Comme le rappelle Vincent Gélineau, consultant senior de Pierre Audoin Consultants, le secteur financier (banque et assurance) pesait 27 % des services IT en France en 2007, à 5,7 milliards d'euros. "Avec un dynamisme supérieur à la moyenne du marché, tant en matière de projets que d'externalisation", remarque le consultant.
Difficile toutefois de connaître clairement l'exposition au risque de tel ou tel grand des services sur tel ou tel établissement : "il n'y a pas de communication sur l'exposition globale à tel ou tel compte", remarque Brice Thebaud, analyste chez Aurel Leven, qui suit le secteur des logiciels et services. Quelques contrats majeurs permettent de se faire toutefois une idée des liens qui unissent prestataires et comptes du secteur bancaire. Capgemini dispose ainsi d'un contrat de 100 millions par an avec HSBC et d'un autre d'environ 50 millions avec Morgan Stanley, Sopra réalise quelque 5 % de son activité avec le Crédit Agricole (50 millions/an) et presque autant avec la Société Générale (environ 40 millions). Chez ce prestataire, la part du secteur financier atteint d'ailleurs les 30 %, avec également un important contrat avec les Banques Populaires et Natixis.
Externalisation : un moyen de faire rentrer de l'argent frais
Mais, in fine, les grands prestataires ne seront peut être pas les plus touchés. "Les plus exposés sont des acteurs moyens spécialisés en assistance technique. Ils deviendront au mieux fournisseurs de second rang", estime Vincent Gélineau. Confirmation avec les déclarations dans le Journal du Net de Nicolas Marry, directeur commercial d'Avanade, SSII qui réalise 30 % de son activité dans le secteur financier : "Si, pour l'assurance, on ne ressent aucun impact, il en va autrement pour la banque d'affaires. La tendance est clairement à la baisse des investissements, de l'ordre de 30 % pour l'année prochaine. Les banques baissent déjà leur volume de contrats en régie."
De son côté, l'externalisation pourrait connaître une brutale accélération. "Une des solutions faciles à la crise de liquidités pour les banques consiste à externaliser des fonctions. Par la vente de leurs actifs via ces opérations, elles récupèreront du cash. Certains grands prestataires ont déjà compris cette opportunité", explique Lyonel Rouast. La finance pourrait également profiter de l'occasion pour accélérer son passage à l'offshore, là encore une solution qui apparaît simple quand la chasse aux coûts est engagée.