Crise financière : les SSII indiennes se murent dans le silence
Les SSII indiennes comptaient sur l’Europe pour échapper aux retombées de la crise financière américaine. Las, le vieux continent commence à perdre ses airs de terre promise. Mais les SSII indiennes affichent une prudence circonspecte.
La crise financière frappera l’industrie indienne des services informatiques ; c’est désormais une certitude mais quantifier l’impact de la crise reste difficile. D’autant plus qu’elle s’étend à l’Europe, région sur laquelle les SSII du sous-continent misaient jusqu’ici pour réduire les risques liés à la situation outre-Atlantique.
Som Mittal, le président du Nasscom, la chambre syndicale de l’industrie IT locale, s’apprête à réviser ses prévisions de croissance pour le secteur de quelques points, au mois de décembre. L’objectif de croissance initial, de 30 % pour l’année fiscale 2008/2009, qui s’achèvera le 31 mars prochain, a déjà été ramené à 23-24 % une première fois puis à 21-24 % en juillet dernier.
Le ralentissement des dépenses IT n’est pas le seul handicap auquel l’industrie IT indienne doit faire face. Même si, selon Sudin Apte, analyste chez Forrester, le recul pourrait atteindre 15 à 20 % pour le secteur des services financiers, au cours des deux ou trois prochaines années. La concentration engagée dans le secteur bancaire vient s’ajouter à ce recul des investissements. Le rachat de Wachovia par Citigroup en est le dernier exemple en date. Pour Infosys, Genpact ou encore Cognizant, c’est un client de moins. Dans un entretien avec The Hindu Business Line, Pramod Bhasin, PDG de Genpact, dont Wachovia était l’un des cinq plus gros clients, a reconnu être entré en mode « d’observation et d’attente. » Mais l’impact de ce type de rachat pourrait ne pas être immédiat. Et là, ce sont les résultats des SSII indiennes pour l’exercice 2009/2010 qui sont menacés, bien que le Nasscom maintienne, pour cet exercice, ses prévisions de 60 Md$ de chiffre d’affaires.
Dans les colonnes de l’Economic Times of India, Srinivas Vadlamani, directeur financier de Satyam, se déclare également en mode « d’observation et d’attente. » Chez TCS, le silence radio a été décrété : la date de communication des résultats du second trimestre, clos le 30 septembre dernier, approche. Le 16 juillet dernier, lors de la présentation de ses résultats pour le premier trimestre de son exercice fiscal, TCS avait fait état d’un ralentissement de l’activité dans le secteur bancaire, sensible depuis le mois de juin. La banque et les services financiers représentent 44 % de l’activité de TCS. Le faible cours de la roupie devrait permettre aux SSII indiennes d’afficher des résultats flatteurs : la monnaie indienne s’est dépréciée de plus de 10 % face au dollar depuis le mois de juin. Mais ce sont bien les résultats en dollars qui feront l’objet de toutes les attentions.
Chez Wipro, K R Lashminarayana, directeur en charge de la stratégie, se veut pragmatique : "dans une économie globale, le ralentissement économique aux Etats-Unis va avoir de vastes répercutions. Il est évident que cette situation génère de nouveaux défis pour toutes les industries et les régions du monde. En ces temps difficiles, nous restons prudents, à court terme, alors que nos clients subissent la situation de plein fouet. Cela dit, nous sommes confiants dans la capacité de notre modèle économique à permettre à nos clients de réaliser des économies significatives dans un environnement économique difficile. La crise économique aux Etats-Unis affecte toutes les économies, y compris en Europe. Cependant, à moyen-long terme, nous pensons que l'Europe restera un moteur important de notre croissance."
Dernière difficulté pour les SSII indiennes : gérer la dette des clients défaillants. Dans le cas de la faillite de Lehman Brothers, la dette va pouvoir être réclamée à Barclays. Mais encore faut-il s’entendre sur son montant. Epiq Systems, qui gère la faillite de Lehman Brothers, recense des ardoises de près de 1,4 M$ pour TCS et 2,3 M$ pour Wipro, ainsi que 250 000 $ pour Satyam, 520 000 $ pour Polaris, 161 000 $ pour HCL, ou encore plus de 500 000 $ pour eClerx. Ce dernier a déjà fait savoir que ce chiffre lui paraissait sous-estimé ; eClerx entend bien recouvrir une créance de l’ordre du million de dollars. Mais certains choisiront peut-être de renoncer à contester le montant de leur créance afin de maintenir de bonnes relations avec Barclays.