OpenXML : nouveau scandale en Norvège
La normalisation ISO d'OpenXML dans des circonstances troubles continue de créer des remous. Treize des vingt-trois membres de l'organisme de standardisation norvégien viennent de démissionner. Leur pays a voté en faveur du format de Microsoft, alors qu'eux prônaient l'inverse.
Encore un rebondissement dans le vaudeville de la normalisation à l'ISO d'OpenXML, normalisation effective depuis le 15 août. Treize membres de la commission de normalisation norvégienne, Standard Norway, viennent d'annoncer leur démission de l'organisation. La raison de cet exode massif (la commission comptant en tout 23 membres) : le vote de l'organisme en faveur de la normalisation ISO d'OpenXML, le format bureautique de Microsoft, concurrent de l'ODF d'OpenOffice. Début septembre, six pays (Venezuela, Brésil, Afrique du Sud, Equateur, Cuba, Paraguay) avaient déjà publié une lettre de défiance contre l'ISO cette fois, mettant en cause son impartialité dans cette affaire. Depuis, IBM avait même rallié la cause en mettant tout son poid dans la balance et en dénonçant l'opacité des processus de normalisation.
Dans l'affaire norvégienne, seuls deux des membres de la commission avaient, à l'époque de l'examen du format, voté en faveur de sa normalisation via la procédure rapide de l'organisme international (dite Fast Track) : Microsoft lui-même et le pétrolier Statoil. Malgré ce quasi-consensus en faveur d'un rejet, la direction de Standard Norway avait voté pour l'approbation d'OpenXML à l'ISO. Contredisant ainsi l'avis de sa commission technique chargée d'examiner le sujet.
"Spécification immature et inutile"
Dans une lettre rendue publique en fin de semaine dernière, les démissionnaires expliquent : "Standard Norway a choisi de défier sa propre commission technique et a voté oui à une spécification immature, inutile et ne méritant pas de devenir un standard ISO". Et d'ajouter : "Standard Norway a perdu sa crédibilité dans le domaine de l'IT". Selon les signataires de la lettre, la direction de l'organisme norvégien ont été influencés par Microsoft, notamment par des lettres de partenaires locaux de l'éditeur.
L'affaire du vote norvégien rappelle un peu les affres qu'avait connu l'Afnor, lors de l'examen du même format. Après une dernière réunion de la commission technique où la majorité des membres restait opposée à une normalisation immédiate du format, l'Afnor s'était finalement abstenu à l'ISO. Revenant sur un premier vote négatif. A l'époque, ce brusque changement de position avait fait naître des rumeurs d'intervention directe de l'Elysée dans ce dossier.
France : pas de rébellion pour l'instant
Dans un communiqué, l'April, une association de promotion des logiciels libres membre de la commission de l'Afnor, expliquait alors : « le vote de l'Afnor ne reflète absolument pas un consensus de la Commission, bien au contraire. Lors de la réunion du 25 mars 2008 destinée à finaliser la position de la commission, les membres ont estimé que l'abstention n'était pas un choix acceptable. Le changement de position de l'Afnor est sans doute du à des tractations de dernières minutes ce week end, à un niveau élévé. »
Un membre de la commission joint par téléphone explique que, pour l'instant, aucun mouvement de rébellion ne secoue l'organe, où figurent des représentants de l'administration française, du milieu associatif, mais aussi de sociétés comme Microsoft, IBM ou Google. Avec toutefois cette précision - importante - concernant l'administration, qui avait été décisive au printemps dernier dans le retournement de la position française. Selon notre interlocuteur, la DGME (Direction générale de la modernisation de l'Etat), jusqu'alors chargée de porter la voix de l'Etat dans ce type de processus de normalisation, n'a "plus mandat" pour intervenir sur ces dossiers. La reprise en main continue.