Présidentielle 2012 : challengées, les écoles d'ingénieurs lancent la balle aux candidats
Financement de la recherche, des études et de l'apprentissage, compétitivité des établissements, ouverture sur l'international: comme l'Afdel ou Syntec numérique, ou encore Croissance Plus, la conférence des directeurs d'écoles d'ingénieurs (Cdefi) interpelle les candidats en brassant large autour du rôle de l'enseignement supérieur dans la réindustrialisation et la compétitivité du pays.
« L'industrie française a besoin que nous passions de 30 000 à 40 000 ingénieurs diplômés par an. » D'emblée, le ton est donné dans la lettre adressée par la conférence des directeurs des écoles d'ingénieurs (Cdefi) aux candidats à la Présidentielle. Rompre avec la tradition française de cristallisation des oppositions entre écoles et universités. Poser sans tabous la question du financement de l'enseignement supérieur de la recherche (ESR). Décloisonner les formations, en misant sur la complémentarité entre sciences et technologie et sciences humaines. Bref, s'impliquer, comme l'ensemble des acteurs privés et public, dans la réindustrialisation du pays.
Au fil des 25 propositions qui accompagne cette lettre ouverte, la Cdefi entend « dépasser les revendications catégorielles », en contribuant à « la préparation d'une économie dynamique et compétitive à l'horizon 2020 ». Et tenter, du même coup, de désamorcer la polémique qui s'est développée tout au long de 2011 autour de la nécessité de rénover la formation d'ingénieur.
(Institut Montaigne, livre blanc de l'ISAE Executive Club)
Qui dit compétitivité dit renforcement de la lisibilité de l'enseignement supérieur français. Une visibilité sur la scène internationale qui constitue l'un des points forts du cursus ingénieur « à la française », selon la Cdefi, et qui tient en partie à « la proximité historique entretenue avec le monde socio-professionnel ».
A l'opposé d'une dispersion des forces (allusion à la volonté de certaines universités de s'impliquer dans une formation à l'ingénierie plus ciblée recherche et innovation), la Cdefi se prononce pour un regroupement d'établissements. L'idée étant de faire émerger « trois à cinq grands établissements technologiques », comme le font les américains voire les allemands. Le tout chapeauté par un ministère élargi (ESR et développement économique) et, pour le volet pédagogique, par un sénat académique (comme le suggère par ailleurs le think tank Terra Nova pour les universités).
L'attractivité des écoles en chiffres |
Les effectifs étudiants des 200 écoles d'ingénieurs ont plus que doublé en 20 ans : 122 000 étudiants en 2010, pour un flux à la sortie de 31 000 diplômés. Pour trois-quarts issus d'établissements publics (15% des écoles dépendant d'universités) et un quart des écoles privées.
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Aménager les conditions de financement par les entreprises
Au chapitre du financement, tous les leviers peuvent et doivent être (re)considérés dès lors que vouloir former plus et mieux est, au sens des dirigeants d'écoles, un véritable «projet de société». Faire reposer cela sur le seul accroissement du financement public ou sur l'augmentation des frais d'inscription ? Irresponsable, souligne la Cdefi. Qui propose, notamment, d'aménager les conditions permettant aux entreprises de contribuer au financement des établissements d'une part, de la vie des étudiants d'autre part.
Ce qui ne serait que juste prise en compte des relations déjà établies entre écoles et entreprises autour de la formation et de l'insertion des jeunes. Pour rappel, avec les stages et autres formules d'alternance, la Cdefi constate que les écoles apportent l'équivalent de 180 000 personnes-mois à l'entreprise , qui plus est des jeunes « vecteurs de connaissances récentes et de transfert de technologie vers l'industrie ».
Au delà de la taxe d'apprentissage, au delà de l'accueil d'étudiants-apprentis et de la quote-part des entreprises liée à cet accueil (qui pourrait être relevée de 1600 euros à 3000 euros), il est suggéré, par exemple, une extension du système de « pantouflage », tradition des écoles de la fonction publique. Concrètement, une entreprise pourrait ainsi financer la formation d'un étudiant qui s'engage à rester dans cette entreprise pour une durée donnée.
Ciblé, 20% du crédit impôt recherche
Histoire d'apporter sa pierre à la valorisation de la recherche partenariale, la Cdefi suggère de plus flécher une partie du crédit impôt recherche (20%) reversé aux entreprises vers le financement d'établissements ou de projets de recherche. Et de rappeler au passage que leurs écoles prennent déjà une part importante dans le dispositif de recherche national, via leur rattachement à 194 unités de recherche (UMR) et avec près de 15000 doctorants et post-doctorants.
Autre solution de financement, la création d'un chèque-mission étudiant (allégé des charges sociales) qui permettrait aux étudiants de « travailler au sein de leur établissement, en cohérence avec les enseignements qu'ils suivent » (tutorat, assistant de recherche), comme cela se pratique aux Etats-Unis notamment. Sans exclure, bien sûr, de ce tableau d'ensemble, la possibilité de renforcer la réputation à l'international de notre enseignement supérieur en ouvrant plus encore la porte aux étudiants étrangers. Au rythme d'environ 1% de plus par an, passer de 14% aujourd'hui à 18% dans cinq ans. Parmi les 25 propositions, en guise de rappel à l'engagement du gouvernement à résoudre la question du permis de travail après le diplôme (circulaire Guéant), les écoles d'ingénieurs demandent à pouvoir gérer elles-mêmes le contexte d'accueil et d'insertion professionnelle des étrangers aux niveaux master et doctorat.