La greffe de Windows Phone finira-t-elle par tuer l'arbre Nokia ?
Nokia a lancé avant-hier une alerte sur résultats pour son premier trimestre 2012 en raison de l'effondrement de son chiffre d'affaires sur le marché des téléphones mobiles. Malgré leurs qualités techniques, les téléphones Windows Phone Lumia du Finlandais peinent à décoller sur le marché. Et comme si cela ne suffisait pas, Nokia est confronté à une guerre des prix persistante sur le marché des téléphones d'entrée de gamme. Conséquence, le Finlandais a sans doute perdu son rang de premier fournisseur mondial au premier trimestre. Il détenait ce titre depuis 1998, année où il avait enfin dépassé Motorola.
Il y a un peu plus d’un an Nokia faisait le choix « stratégique » de Windows Phone, jetant par la fenêtre quinze ans d’efforts de développement autour de Symbian et passant par pertes et profits plusieurs années consacrées à développer une alternative à base de Linux. Un choix stratégique, qui, pour l’instant, s’est avéré calamiteux pour celui qui a ce rythme ne sera bientôt plus numéro un mondial des mobiles.
En février 2011, analysant l’alliance entre Microsoft et Nokia, LeMagIT titrait « Smartphones Nokia - Microsoft : gagner ou mourir ensemble ?». 14 mois plus tard, la victoire n’a jamais semblé aussi lointaine. Car les résultats du constructeur ne cessent de s’enfoncer. Avant-hier, Nokia a ainsi lancé une nouvelle alerte sur résultats annonçant un CA de 4,2 Md € pour sa division terminaux et services mobiles (Devices & Services), contre 7 Md € l’an passé soit un plongeon de 40%.
Des ventes de téléphones en chute libre
Le pire est sans doute le plongeon des ventes de smartphones, qui sont passées de 3,55 Md € au premier trimestre 2011 à 1,7 Md € au cours du premier trimestre 2012. L’abandon de Symbian et l’incapacité de Nokia a faire décoller les ventes de ses terminaux Windows s’est ainsi traduit par une chute de plus de 50% des ventes. Ce n’est pas tant que Windows Phone est un mauvais OS. De l’avis général, c’est même un excellent OS. Le problème est qu’il est arrivé bien trop tard sur le marché et avec une ergonomie radicalement différente de celle des terminaux Android et iOS. De plus, son catalogue applicatif est très en retrait de celui d’IOS et Android. Résultat, ces deux derniers OS trustent le marché des smartphones.
Des résultats financiers qui ne cessent de se dégrader
Pire pour Nokia, cet effondrement des ventes s’accompagne d’une dégradation de sa rentabilité financière. La marge opérationnelle de la division Devices & Services est ainsi passée de 9,7 % à une marge négative d’environ -2 % au premier trimestre.
Stephen Elop, le nouveau patron de Nokia, arrivé de Microsoft en septembre 2010 explique cette performance désastreuse par le fait que la division est encore en pleine transition. Pour Elop, Nokia a « créé une dynamique avec ses terminaux Lumia » et va « renforcer ses investissements pour assurer le succès des Lumia sur le marché ». On ne sait s’il faut en rire ou en pleurer au vu des résultats obtenus jusqu’alors.
Car ces contre-performances ne seraient rien si elles n’avaient un impact désastreux sur l’emploi européen. Nokia a multiplié les licenciements au cours des 18 derniers mois et le patron de Nokia ne promet rien d’autre que des larmes aux salariés : Nokia va ainsi continue à « abaisser sa structure de coûts » et va accélérer son plan existant de réduction des coûts et réaliser des actions de restructuration significatives si et quand cela sera nécessaire ».
Un avenir incertain
Au rythme actuel de recul du CA de la division terminaux et services, et alors que Nokia entend aussi baisser les prix de ses téléphones classiques, on voit mal comment Nokia peut redresser la barre avec sa gamme de produits actuels. Non parce que ses terminaux sont fondamentalement mauvais, mais plutôt parce que le géant finlandais a sans doute choisi le mauvais OS au mauvais moment.
L'ironie est qu'il y a fort à parier qu’un Lumia équipé d’Android ferait aujourd’hui un carton sur le marché, mais on voit mal Elop accepter un tel revirement stratégique. Ce qui pose une dernière question : au rythme actuel de dégradation des résultats de Nokia, le patron qui devait sauver Nokia pourra-t-il tenir longtemps à son poste ? Et surtout, la stratégie Windows de Nokia pourra-t-elle survivre durablement à la dégradation continue des performances de sa division mobiles ?