www2012 à Lyon : le Web ouvert rugit encore
La 21ème conférence mondiale du Web pose ses valises à Lyon. L'occasion, pour Tim Berners-Lee le père fondateur du Web et actuel directeur du W3C, d'un plaidoyer en faveur d'un Internet libre et ouvert. Une vision qui n'a jamais été autant mise à mal qu'aujourd'hui.
Du 16 au 20 avril, la 21ème conférence mondiale du Web (www2012) a posé ses valises à Lyon. Au-delà des sessions scientifiques qui rythment ces quatre jours (avec des thèmes phares comme les CSS, les applications web mobiles, l'accessibilité et évidemment HTML 5), l'événement est aussi l'occasion d'un plaidoyer en faveur du Web ouvert, une vision que défend le W3C (consortium World Wide Web) par la voix de son directeur Tim Berners-Lee. Le père du Web dont il inventa les principes fondateurs en 1989 alors qu'il travaillait au CERN, exprime les mêmes inquiétudes qu'un Sergey Brin (co-fondateur de Google) qui expliquait récemment déceler des "forces puissantes qui se sont mis en branle contre un Internet ouvert". Pour Tim Berners-Lee, si la menace semble venir des gouvernements, elle émane en réalité de l'industrie. Et de pointer en particulier le lobbying de l'industrie musicale, emmenée par la RIAA (Recording Industry Association of America).
Si le Web libre et ouvert subit les assauts des gouvernements, soit pour protéger le droit d'auteur, soit dans le but avoué de lutter contre le terrorisme ou la pédopornographie, il est également le théâtre d'une bataille portant sur la collecte et l'exploitation des données personnelles. Un champ sur lequel des acteurs financés par la publicité comme Facebook et Google (qui a récemment modifié les règles de confidentialité en vigueur sur ses services) sont très actifs. Pour le philosophe Bernard Stiegler, invité sur le www2012, la question centrale tourne autour de la méthode à mettre en place pour organiser un débat collectif sur le sujet : "la rapidité d'évolution du Web n'est pas compatible avec la durée d'organisation de ce débat, avec cette phase d'éducation. Nous devons donc organiser la vie numérique à la vitesse de l'innovation tout en mettant en place une réflexion à plus long terme."
Pour Tim Berners-Lee, la bonne méthode passe par l'action des utilisateurs. Et de les appeler à réclamer aux services online comme Google ou Facebook leurs données pour ouvrir la voie à une nouvelle ère de services ultra-personnalisés disponibles sur les terminaux. Selon lui, les individus n'ont pas encore réalisé tout le potentiel des données personnelles que détiennent les nombreux services Web avec lesquels ils sont en rapport. Dans une interview au quotidien The Guardian, il explique : "mon ordinateur a une profonde compréhension de mon état de forme, de mon alimentation, des lieux où je me trouve. En étant dans ma poche, mon téléphone comprend combien d'exercice je fais, combien de marches je grimpe, etc." Autant de données qui pourraient être à la base de nouveaux services… à condition que les utilisateurs aient accès à ces informations. "L'un des problèmes des silos de données que constituent les réseaux sociaux, note le directeur du W3C, c'est qu'ils ont accès à ces données et pas moi… Il n'existe pas de logiciel que je puisse faire tourner sur mon ordinateur et qui me permette d'exploiter toutes les informations des différents réseaux sociaux, plus toutes les données de mon calendrier, plus celles de ma carte pour le footing, plus celles de mon gadget de fitness, etc.", remarque Tim Berners-Lee. L'Open Data (un autre cheval de bataille du directeur du W3C) étendu à la sphère privée en quelque sorte. Rappelons que, sous la pression de la société civile, Facebook et surtout Google ont aujourd'hui mis à disposition des procédures permettant aux internautes de réclamer leurs données personnelles.
Rappelons également que le W3C travaille à des standards (connus sous l'appellation "Do Not Track") permettant aux utilisateurs de bloquer la collecte de données comportementales dans les navigateurs. Une initiative qui est actuellement en débat à la Federal Trade Commission, l'agence américaine qui contrôle les pratiques commerciales des entreprises.
Lyon veut transformer l'essai
Retenu pour l'organisation de la conférence mondiale du W3C, la capitale des Gaules entend profiter de l'événement pour se positionner sur l'échiquier numérique. Pour Karine Dognin-Sauze, vice-présidente innovation et nouvelles technologies du Grand Lyon, la priorité est évidemment de développer un écosystème numérique local susceptible de doper l'économie du territoire et de renforcer l'attractivité de la métropole. Le secteur représente aujourd'hui 22 000 emplois pour le Grand Lyon, communauté urbaine regroupant 58 communes et 1,3 millions d'habitants. Pour le professeur Alain Mille, co-président de www2012, il s'agit de créer une dynamique autour de l'événement, via l'organisation dans le même lieu et en même temps du Colloque international des universités à l'ère du numérique et la tenue d'événements "off" dans toute la ville. En plus de l'organisation de la filière de l'image numérique (avec le pôle de compétitivité Imaginove) ou de celle de l'édition logicielle (via le Cluster Edit), la communauté souhaite aujourd'hui offrir des infrastructures favorisant la croissance des jeunes pousses Internet, via notamment l'ouverture d'une pépinière (Rives numériques) en juin 2012.
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