Mandriva place sa distribution dans une communauté indépendante, sans Mageia
L’éditeur Linux Mandriva a décidé de confier les rênes de Mandriva Linux à une communauté indépendante. En cours de création, elle sera responsable de la gouvernance de l’OS Linux et servira de base à la déclinaison desktop de Mandriva. Mageia a décliné l’invitation. En revanche, la distribution Mageia servira de base à la déclinaison serveur de Mandriva.
Après une re-capitalisation réussie et officialisée le 1er mai dernier, mais dont la teneur reste encore secrète, Mandriva, l’éditeur français de la distribution Linux éponyme, renait de ses cendres et revient sur le marché en ordre de bataille. Au menu de cette relance, une feuille de route lisible de Mandriva Linux désormais entre les mains d’une communauté indépendante et une segmentation de l’offre plus différenciée.
La re-capitalisation de l'éditeur était en suspens depuis janvier dernier. A l’époque, le groupe se retrouvait coincé entre «le marteau et l’enclume», victime d’un désaccord entre actionnaires qui privait la société d’une éventuelle sortie et d’une re-capitalisation. La faillite avait à l’époque été envisagée, un décision qui aurait mis fin à plusieurs années de déboires financiers pour une société, icône du Linux hexagonal, qui s'était déjà retrouvée à maintes reprises très proche du gouffre. En 2010, après un sauvetage in extremis par des investisseurs, notamment russes, une partie de la communauté ainsi que les anciens employés de la société Edge-IT avaient ainsi décidé de se séparer de Mandriva en mettant en cause le manque de visibilité sur la feuille de route de leur distribution Linux. Résultat: un fork de la distribution et la création par cette communauté de Mageia.
Une stratégie axée sur les services
Jean-Manuel Croset, président du directoire de Mandriva, interrogé par la rédaction, affirme qu'avec la dernière recapitalisation, Mandriva sera désormais «une société oraganisée en pôle de services, moins transversale, avec une approche résolument produits et non plus distribution», comme elle l’était auparavant. Dans un billet de blog, il liste quatre pôles d’activité : la déclinaison desktop, la distribution serveur, Pulse et enfin les projets de R&D.
A l'instar de Fedora, la version desktop de l'OS sera désormais réalisée en collaboration avec une communauté indépendante qui aura la charge et la gouvernance de la précieuse distribution. Selon Jean-Manuel Croset, cette entité indépendante vise à «réunir la communauté», citant notamment Ark Linux. Il mentionne également des membres individuels et des acteurs du Libre. Le groupe de travail, actuellement à l’étude, devra ainsi déterminer «la suite» des événements et «le modèle de gouvernance». Toutefois insiste-t-il, elle sera indépendante de la société Mandriva SA et a pour vocation d’unir une communauté afin que celle-ci «revienne auprès du produit». Mandriva devient ainsi contributeur à cette distribution et non plus son éditeur, comme auparavant.
Mageia refuse l’invitation
L’un des points clé de cette re-structuration est certainement les relations que va entretenir l’éditeur avec Mageia, la communauté derrière le fork de Mandriva Linux. Initialement fâchés, les deux camps ont décidé de reprendre langue. Même si on ne peut pas à proprement parler de synergies. Ainsi, en dépit d’une sollicitation, Mageia ne participera pas à la création de cette communauté indépendante. Jean-Manuel Croset confirme avoir contacté la communauté Mageia, «mais ils n’ont pas souhaité y participer». En revanche, Mageia deviendra le socle technique de Mandriva Entreprise Server. Si le patron de Mandriva cite des raisons politiques et stratégiques, ce sont, pour lui, principalement des raisons techniques qui ont motivé ce choix. Les travaux réalisés autour de Mageia sont davantage adaptés au serveur qu’au desktop.
Pour Mageia, le mal est déjà fait. Pas question de s’impliquer dans une entité dont elle ne connait pas les objectifs. Et surtout, la communauté pointe du doigt la décision de Mandriva de ne pas soutenir à l’origine Mageia et rappelle que son modèle de gouvernance est déjà bien établi. «Mageia nous aurait semblé une plate-forme de collaboration idéale dans laquelle investir ; mais cela n’a pas eu lieu, probablement parce que le mode de gouvernance (point clé s’il en est) ne convient pas au projet de Mandriva ; dont acte. Nous ne nous engagerons pas sur une autre voie», écrit un membre de la communauté sur son blog. D’autant que Mageia peaufine la version 2 de sa distribution. «Nous ne voulons pas disperser nos (encore faibles) moyens sur une nouvelle entité à définir et construire ; nos priorités sont ailleurs à présent», ajoute la communauté, qui tient à garder encore ses distances avec Mandriva. D’ailleurs, pour Mageia, Mandriva «n’est qu’une société de plus» dans son éco-système. Ni plus ni moins.