Les SSII indiennes se préparent à encaisser une nouvelle crise
Fini le doute. Malgré certains discours de façade affichant un enthousiasme plus ou moins forcé et guère plus convaincant, les SSII indiennes se préparent manifestement à encaisser un nouveau choc économique : elles ont commencé à adopter des mesures déjà utilisées lors de la crise de 2008/2009. Mais, c'est l'économie tout entière du pays qui devient aujourd'hui source d'inquiétude.
Il y a encore un mois, c’était le doute et l’incertitude quant aux perspectives à court terme des SSII indiennes qui dominaient. Désormais, cela ressemble à une évidence : elles, qui redoutaient le double-dip annoncé plus tôt par certaines Cassandre, se préparent à encaisser un nouveau choc économique. Certes, le Nasscom, la chambre syndicale des SSII indiennes, maintient ses prévisions de croissance pour le secteur, de 11 à 14 % pour l’exercice fiscal entamé le 1er avril dernier. Deux chiffres, donc, mais qui peuvent sembler relativement médiocres une fois comparés à l’inflation - plus de 10 % pour les prix à la consommation en mai, et près de 8 % pour les prix de gros, des niveaux dont s’inquiète la banque centrale indienne.
Certains analystes ne cachent plus leurs doutes quant à la pertinence de la posture du Nasscom. Kotak Institutional Securities y voit une prévision «un peu agressive» quand Som Mittal, président du Nasscom, revendique une approche «conservatrice». Le fait est que les résultats du premier trimestre de l’année civile 2012 n’étaient pas excellents. Et le tarif horaire facturé en moyenne par les SSII aurait d’ailleurs décliné de 1,2 %, le recul le plus marqué depuis la fin de l’exercice 2008-2009. Récemment interrogé par nos confrères de l’Economic Times of India, Moshe Katri, directeur exécutif du cabinet Cowen & Co. ne ménage d’ailleurs pas son propos : «Cognizant a ajusté sa prévision de croissance à 20 %. Mais pourquoi le cours de l’action a-t-il reculé en même temps de 20 % ? Parce que personne ne croît que cet ajustement soit réaliste.» Pour lui, la situation est limpide : «tout cela commence à ressembler à 2008. D’abord les délais dans les budgets, puis les choses se sont aggravées et c’est devenu bien plus sérieux.»
L’emploi, variable d’ajustement
Très naturellement, alors qu’elles peinent encore à s’orienter vers une croissance non linéaire, les SSII indiennes ont commencer à jouer sur l’emploi, leur principale variable d’ajustement. Une recette déjà utilisée précédemment, avec parfois beaucoup de violence. Le recours au travail temporaire a déjà commencé à augmenter. Et Rajesh Kumar, Pdg de MyHiringClub.com assure avoir observé un recul de 29 % des activités de recrutement du secteur de l’IT et des services IT, en Inde, au mois de mai.
Toujours sur le front de l’emploi, les embauches effectives des jeunes diplômés commencent à être reportées. Chez Infosys, ceux qui avaient été sélectionnés l’été dernier ne prendront leurs fonctions qu’en septembre 2012 et... mi-2013 ! Plus généralement, les recrutements en sortie des business schools indiennes ralentissent. Et les SSII indiennes jouent les partenariats public-privé avec des campus universitaires de villes de taille moyenne pour réduire, notamment, leurs coûts de formation.
Marginalement, elles commencent aussi à jouer sur leurs coûts d’infrastructure : consolidation ou rationalisation des espaces de bureaux, optimisation de la consommation électrique - ascenseurs, climatisation, etc. Ce dernier point est à mettre en perspective avec la récente augmentation du coût du diesel dans le pays, utilisé notamment pour les générateurs électriques palliant le déficit chronique de production électrique du pays. Tellement utilisé que Chennai a dû faire face à un manque de diesel fin mai; une situation qu’avait déjà connue Bangalore quelques années plus tôt.
Éviter la contagion de la crise européenne
Si les autorités indiennes commencent à reconnaître leur inquiétude vis-à-vis de la situation européenne, elles assurent ne pas rester les bras croisés. Elles assurent avoir ainsi préparé un plan de protection contre une sortie de la Grèce de la zone Euro, voire d’une implosion de celle-ci. Le discours officiel consiste à dire que l’économie indienne risque de souffrir un peu, mais pour mieux rebondir. Mais les SSII indiennes commencent à afficher une certaine prudence. Infosys, par exemple, assure pouvoir atteindre ses objectifs... si la zone Euro se maintient. Mais d’autres inquiétudes commencent parallèlement à émerger. Dans un récent rapport intitulé «L’Inde sera-t-elle le premier ange déchu des BRIC ?», Standard & Poors a ainsi évoqué le risque de toxicité de certains actifs des banques indiennes... en cas de ralentissement trop marqué de l’économie du sous-continent.