La Cour des comptes critique un DMP mal piloté par l’Etat et coûteux

Dans un rapport que s’est procuré Le Monde, la Cour des comptes épingle un DMP couteux, au périmètre fonctionnel bancal et mal piloté par l’Etat. 210 millions d’euros ont été dépensés mais trop peu de dossiers sont aujourd’hui ouverts. L’Asip Santé se défend et apporte des précisions.

Le DMP une nouvelle fois dans la tourmente. Dans un rapport intitulé «le coût du dossier médical personnel (DMP) depuis sa mise en place», la Cour des comptes a vivement critiqué le pilotage ainsi que la stratégie de l’Etat autour du dossier médical personnel, nous apprennent nos confrères du Monde qui ont eu connaissance du document. Ce rapport, qui n’est pour l’heure pas public, avait été commandé par la commission des Finances de l’Assemblée nationale.

Selon le quotidien, la Cour des comptes aurait dépeint une gestion peu contrôlée du DMP dénonçant tour à tour le «manque d'une évaluation rigoureuse de son utilité» , «l’ insuffisance grave de suivi financier» et la «défaillance de stratégie et de pilotage de la part de l'Etat,». Il faut dire que le DMP a tout du serpent de mer. Ce vaste projet de santé publique, qui vise notamment à centraliser les données médicales de chaque citoyen et à en faciliter le partage avec le corps médical, a été lancé en 2004 par Philippe Douste-Blazy, alors ministre de la Santé. Le dossier tourna à l’aigre avant d’être relancé en 2009 par Roselyn Bachelot. Puis repris en main en 2011, date à laquelle ce futur dossier numérique devint accessible aux patients. Cette feuille de route chaotique, du fait notamment à un manque de soutien des pouvoirs publics, a desservi sa mise en place, provoquant un retard considérable.

Selon les derniers chiffres, seulement 158 000 DMP auraient été ouverts à ce jour. L’Asip Santé, l’agence chargée de la mise en place et de son développement, table néanmoins sur le million d’ouverture en 2013, comme indiquait en mars 2012. A l’époque, Jean-Yves Robin, à la tête de l’Asip, parlait d’un retard de quatre à cinq mois sur le calendrier prévu, depuis que l’agence a repris en main le projet. Des problèmes d’incompatibilités logicielles entre les systèmes des médecins déjà en place et le DMP avaient été pointé du doigt - un point également souligné dans le rapport.

Reste que ce serpent de mer a un coût que la Cour des compte évalue à 210 millions d’euros, pour la période 2005 - 2011, indique encore Le Monde. Ce montant passe à 500 millions d’euros si on y ajoute le coût des dossiers informatisés dans les hôpitaux.

Ce n’est néanmoins pas la première fois que les coûts du DMP sont montrés du doigt. Le député Gérard Bapt en a d’ailleurs fait son cheval de bataille. Il avait notamment demande un audit financier du chantier, afin de faire la lumière sur les sommes dépensés dans le DMP depuis 2004, qu’il jugeait trop élevés.

 «Il est temps que l’État définisse enfin, dans une concertation étroite avec tous les acteurs, une stratégie d’ensemble pour intégrer le DMP dans une vision globale de l’organisation du dispositif de soins et des systèmes d’information en santé», écrit la Cour des comptes, citée par l’AFP.

L’Asip justifie les coûts

Un point sur lequel s’accorde l’Asip, pour qui «le renforcement de la cohérence des politiques publiques élaborées en concertation étroite avec les acteurs», est une nécessité. L’agence a en effet tenu à réagir dans un communiqué à la sortie de ses informations.

L’Asip, qui a collaboré au rapport de la Cour des comptes, souhaite au final qu'il soit rendu public, car selon elle, il s’agit «d’une photographie objective de ce qu’a coûté réellement le DMP depuis sa création». 

En dépit de quoi l’Asip clame haut et fort que les coûts du DMP étaient bien maîtrisés. Ainsi selon elle, quelque 100 millions d’euros ont été dépensés entre 2005 et 2009, le temps pour l’Asip «d’arrêter» ou de «faire converger» les expérimentations du GIP-DMP. «Une phase de recherche», comme l’indique la cour des comptes, qui «n'a pas permis de mettre en œuvre le DMP de façon pérenne, mais a tout de même conduit à "clarifier les problèmes juridiques, organisationnels et techniques". Une sorte de période brouillon utile...

A cela s’ajoute 95 millions d’euros pour le « nouveau dispositif» mis en place depuis 2010. Des coûts conformes - selon l'Asip - aux coûts informatiques, «essentiellement constitués par le coût de la construction du système, de son exploitation et des actions de déploiement». Autre précision apportée par l’Asip, les coûts des systèmes informatiques des hôpitaux, qui «n'ont aucun lien avec les coûts du DMP même si la Cour tient à en souligner l'insuffisance de pilotage par l'Etat».

Bref, le DMP bien réel doit encore trouvé son rythme politique et surtout purger son démarrage houleux. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, sera auditionné par les parlementaires le 12 septembre prochain sur le sujet selon le site Challenge.fr.

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