Big Data : ange ou démon ?

A en croire les prévisions des cabinets d'étude, le Big Data serait LA nouvelle poule aux œufs d'or des technologies de l'information. Pourtant, l'exploitation de grandes masses d'information de nature diverse reste pavée d'interrogations. Voire de risques majeurs pour l'image des entreprises.

Big Data, déjà la vallée des désillusions (pour reprendre la terminologie du célèbre Hype Cycle de Gartner) ? En tout cas, lors de l'Université d'été de GS1, l'organisme spécialisé dans le codage des normes pour la chaîne logistique, plusieurs intervenants ont fait entendre une petite musique différente sur ce qui est bien le phénomène IT (au moins marketing) de cette rentrée 2012.

Bien sûr, Bernard Benhamou, délégué aux usages de l’Internet auprès du ministère chargé de l'Economie Numérique, a souligné les impacts économiques du Big Data. "Avec la montée en puissance du Big Data, les silos d'informations verticalisés disparaissent, ouvrant la porte à la création de nouveaux acteurs globaux dans la santé, les transports, l'énergie… Il faut faire en sorte que ces nouveaux acteurs soient européens", plaide-t-il.


Culte de l'immédiateté


Si les espoirs sont donc colossaux, les bémols, voire les craintes, ne le sont pas moins. D'abord, comme le remarque le sociologue Bruno Marzloff, comparer la donnée à une nouvelle matière première reste abusif. Nombreux sont les fournisseurs à filer cette comparaison. "Elle n'est pas tout à fait justifiée, explique Bruno Marzloff. D'abord parce que la donnée est une matière première illimitée et il ne s'agit pas, ici, forcément d'un avantage. Ensuite, elle se renouvelle en permanence, poussant les organisations dans le culte de l'immédiateté. Enfin, cette matière première provient d'une production collective".


Bref, l'information numérique possède des caractéristiques propres qui la rendent difficile à domestiquer. D'autant que, comme le note le professeur de marketing Pierre Volle, "les sphères de capture d'information sont de plus en plus large". Homme de terrain, Georges Epinette, DSI des Mousquetaires, partage ce constat : "on travaille de plus en plus sur des périmètres non définis en amont", d'où le besoin de stocker de grandes masses d'information pour répondre à des besoins futurs. Au-delà des questions techniques, le principal enjeu consiste donc "à transformer toutes ces données en informations signifiantes pour les organisations", rappelle Pierre Volle. Oui, mais comment et à quel niveau agir ? Pour Christophe Benavent, lui aussi professeur de marketing (à l'université Paris-ouest où il est directeur du mastère de marketing opérationnel), "le Big Data fournit beaucoup d'informations spécifiques, utiles au niveau local. C'est donc le chef de rayon qu'il faut former !". Tenter de centraliser les analyses et les décisions serait donc voué à l'échec… au mieux.


Attention aux "marqueteurs fous" !


Car plusieurs intervenants ont dénoncé les dérives de directions marketing abreuvées de données sur les clients et tentées de les exploiter sans frein pour accroître les ventes à court terme… quitte à endommager l'image de l'entreprise plus durablement. "On aura des affaires impliquant des marqueteurs fous comme on en a eu avec des traders fous, prévient Henry Peyret, analyste principal au sein du cabinet Forrester. Mais ce qu'il qualifie de "marketing 3.0", né de la volonté des directions marketing d'aboutir à une micro-segmentation en temps réel de leur base client, va selon lui déboucher sur une réaction des consommateurs. "Tout comme la télévision a engendré le zapping." Et de prédire la montée d'un activisme anti-marques orchestré par des consommateurs lambdas. Déjà, Christophe Benavent considère qu'un tiers des données relatives aux individus sur le Net sont mensongères, "car les consommateurs s'adaptent et divisent leurs activités". Le retour du "Garbage in, garbage out" que ne connaît que trop bien le monde de l'analyse de données.

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