Salaires du secteur IT : un peu plus que l'inflation ou pas ?
Entre la hausse de +0,6% du salaire median en informatique constatée pour 2012 par Expectra, l'enveloppe globale d'augmentation (+2,4%) légèrement au dessus de l'inflation (+1,9%) évoquée par Aon Hewitt, le relatif pessimisme observé par l'Apec tant chez les cadres que chez leurs employeurs, et le relevé plus optimiste des salaires IT effectué par Page Personnel, une chose est sûre : l'individualisation de la rémunération gagne du terrain.
Un cadre sur deux interrogé début 2012 par l'Apec envisageait de demander une augmentation en 2012. Seuls 36% pensent l'obtenir. Et plus d'une entreprise sur trois (36%) déclarait en mai dernier ne pas avoir décidé ce qu'elle ferait en matière d'augmentation. Du côté de l'embauche, c'est le statu quo: un salaire moyen de 37000 euros en 2012, comme en 2011. Dans ce flou relatif reconnu par l'Apec, le secteur IT se distingue quelque peu avec, dans le secteur télécoms, une proportion plus élevée de cadres ayant eu une augmentation de salaires (60% contre 50% parmi l'ensemble des cadres). Et surtout, à l'embauche des SSII, une progression du salaire moyen (38000 euros, soit +5,5%) qui tranche avec l'attentisme général observé par l'Apec.
Quoi d'étonnant à cela, dès lors que le marché reste « saturé de besoins » (en compétences informatiques), comme le rappelle Julie Scali, consultante senior du cabinet Page Personnel, en exergue de l'étude « Fonctions & Rémunérations Informatique 2012-2013 » . Celle-ci dresse un tableau de la situation en 22 fiches métiers. Parmi les postes en demande et les profils courtisés, l'étude repère le cas des ingénieurs études et développement pour lesquels les exigences des recruteurs s'élèvent parallèlement à la complexification des technologies. Les salaires s'en ressentent, situés, pour ces derniers, dans une fourchette de 32000 à 45000 euros, et pour les développeurs, dans une fourchette un peu plus resserrée (25000 à 38000 euros). Même cote en hausse (selon le niveau d'expérience) pour les experts en virtualisation et les experts en sécurité. Ou encore les techniciens hotline qui peuvent tirer profit d'un marché très fluide (turnover et création de postes avec exigence de compétences linguistiques).
Relative dévaluation de la filière IT
Le relevé barométrique du cabinet Expectra (10ème édition) est lui aussi nuancé en fonction des profils. Certes, la perspective générale est plutôt grise : +0,6% de hausse du salaire médian pour le secteur IT. Soit la plus faible progression toutes filières confondues (+2,4%), en tout cas nettement inférieure au taux d'inflation prévu pour 2012 (+1,9%). Cette relative dévaluation de la filière IT se situe dans un contexte de politiques salariales dynamiques mais prudentes: « sur un marché du recrutement atone, les décideurs cherchent à améliorer leur productivité et à fidéliser les talents. Les tendances globales s'estompent au profit de micro-niches en ligne avec les besoins inégaux du marché», explique-t-on chez Expectra.
Traduction pour le secteur IT : les métiers des réseaux et de l'exploitation (cloud computing aidant) sortent du lot avec, pour les analystes d'exploitation, une progression de +6,7% du salaire médian, de même que les administrateurs de bases de données (+4,8%), les chefs de projets en maîtrise d'oeuvre (+4,2%) et les ingénieurs sécurité (+3,8%). Mais contrairement à l'observation de Page Personnel, la famille des développeurs devra se contenter d'une maigre enveloppe d'augmentation selon l'analyse d'Expectra qui commente : « les marges de manoeuvre des SSII -dont l'activité influence fortement le marché- sont étroites car le prix des prestations stagne, voire régresse ».
Des micro-climats pour l'emploi et les salaires
Autre nuance relevée par l'étude Expectra, tous secteur confondus, la progression des salaires est moindre en Ile-de-France (+1,7%) qu'en régions (+2,7%). Mais là encore les « micro-climats » de l'emploi (avec impact sur les salaires) se repèrent. En région parisienne, à forte densité de centres de R&D, le salaire moyen des chefs de projets progresse de 8%. En région nord, c'est celui du technicien hot line qui se démarque (+7,5%). En région nord-ouest (filière télécom aidant), la hausse est de +9% pour les chefs de projet maîtrise d'oeuvre. En région Paca, l'effet pôles de compétitivité et technopoles jouant, les techniciens réseaux (+8%) et les développeurs (+8,4%) sont valorisés.
Parallèlement, les diverses études des cabinets de recrutement ou de l'Apec font toutes le constat d'une progression de l'individualisation des politiques salariales. Selon Aon Hewitt, la rémunération variable concerne 95% des cadres et s'étend désormais aux non cadres (86% contre 30% en 2000). La stabilité des enveloppes d'augmentation globale (+2,8% en 2012 comme en 2011, +2,9% prévu pour 2013) traduit le compromis recherché par les entreprises « entre un budget tenant compte de l'inflation, la reconnaissance de la performance pour retenir les meilleurs, et la maîtrise des coûts ». Là où la prévision d'augmentation générale des salaires se profile à +1,4% pour 2013, celle des augmentations individuelles tourne autour de +2,6% (selon l'enquête d'Aon Hewitt présentée le 6 septembre à la presse, relayée notamment par Cadremploi). Les employeurs misent sur la diversité du package de rémunération (renégociation régulière des contrats pour l'épargne salariale, la prévoyance, les mutuelles santé, les retraites, etc).
Pour autant, selon l'étude Expectra, la pratique du variable apparaît moins répandue dans le secteur IT où moins de deux-tiers des ingénieurs ou techniciens perçoivent une part de variable (63%) et pour 44% d'entre eux, cette part représente moins de 5% du salaire. Reflet d'une certaine accoutumance au turnover, le souci de fidéliser au moyen d'une diversification du package serait donc moins présent dans cette filière.