David Greschler, Microsoft : "VMware pense que la virtualisation est une fin en soi, pas nous"
Rencontre avec David Greschler, l’un des cofondateurs de Softricity, l'éditeur de SoftGrid, aurjourd'hui rebaptisé App-V depuis le rachat de la société par Microsoft. Désormais directeur de la stratégie de virtualisation de l’éditeur, David Greschler fait le point sur Hyper-V et sur la stratégie de Microsoft en matière de virtualisation.
Pourquoi est-il important pour Microsoft de fournir un produit [Hyper-V], dont il ne tire aucun revenu direct ?
David Greschler : En fait, nous générons un revenu dérivé d’Hyper-V car il est intégré à Windows Server 2008. C'est donc une des raisons pour lesquelles les entreprises choisissent de mettre à niveau leur OS. Notre rôle est d'innover sans cesse. Pour encourager la migration de Server 2003 à 2008, vous devez fournir à vos clients des raisons d’acheter le produit, et la virtualisation est l'une des principales raisons les poussant à migrer.
La virtualisation est une technologie stratégique clé, qui ouvre tout un nouveau monde. Sur le plan tactique, elle aide certainement les clients à réduire leurs coûts - avec la consolidation de serveurs. Elle rend aussi la continuité des activités plus accessible... Mais plus important encore, la virtualisation constitue le fondement pour de ce que nous considérons comme la prochaine étape de l’informatique, ce que l’on appelle aujourd’hui le Cloud Computing.
Nous avons effectué un certain nombre d'investissements dans ce domaine. L’un d’eux est Azure, notre offre de Cloud public qui permet aux utilisateurs d’héberger de nouveaux projets et de nouvelles applications sans avoir à posséder l'infrastructure. La virtualisation permet aux entreprise de créer un environnement reprenant les principes du Cloud à l'intérieur de leurs centres de données ou chez un hébergeur. Cela leur permettra à terme de mettre en place une infrastructure cohérente qui autorise le déplacement d’environnements systèmes (ou workloads) entre leurs datacenters, leur infrastructure externalisée et le nuage public. Nous travaillons très dur pour faire en sorte que dans le futur, les entreprises puissent déplacer leurs workloads entre les trois types d’hébergement.
On reproche fréquemment à d’Hyper-V, la liste relativement limitée des systèmes d'exploitation invités supportés. Est-ce que Microsoft entend élargir cette liste ?
D.G. : D'abord, c'est une idée fausse. Nous avons pris des engagements avec Red Hat et Novell, pour garantir que lorsque les utilisateurs font tourner ces systèmes d'exploitation sur Hyper-V, non seulement ils fonctionnent, mais que si vous rencontrez un problème, vous disposez d’un support téléphonique à même de vous fournir une réponse. Si vous regardez VMware, ils ont une longue liste de systèmes d'exploitation qui s'exécutent, mais où est le support?
Prenons aussi le cas de l’administration, avec System Center. Nous voulons faire de System Center le gestionnaire de gestionnaires, et nous comprenons que si System Center doit être utilisée dans l'entreprise, il lui faudra gérer plus que Windows. La dernière version d'Operations Manager vous permet d’obtenir le même niveau de détails sous Linux que sous Windows. Vous pouvez non seulement voir que l’environnement tourne dans une machine virtuelle, mais creuser en détail et voir les paramètres Linux ainsi que ceux des applications s'exécutant au dessus, de sorte que vous pouvez créer un lien avancé avec la gestion d’alertes, les outils de monitoring et de diagnostic d’Operations Manager. L'hyperviseur est un élément essentiel [de la pile technologique], mais l’administration est le centre de gravité - c'est l'endroit qui vous permet d’accéder à la vraie valeur qu’offre la virtualisation.
Les clients peuvent-ils s'attendre à un support enrichi de Linux à l’avenir, ou cette porte est-elle fermée ?
D.G. : Il n'y a jamais de porte fermée chez nous. Nous essayons toujours de faire en sorte que les distributions qui sont là sont pris en charge. Nous avons travaillé avec un certain nombre de distributions Linux pour s'assurer que nous allons les soutenir au fil du temps.
Microsoft ne facture pas Hyper-V, mais VMware revendique un taux de consolidation plus élevé et donc un coût inférieur. Y-a-t-il selon vous une vérité derrière cet argument ?
D.G. : Il ne fait aucun doute que si vous pouvez mettre plus de machines virtuelles sur un hôte unique, vous allez être plus efficace. Cette question va s’effacer très bientôt. Comme beaucoup de gens le savent, la prochaine version d'Hyper-V [avec Windows Server 2008 R2 SP1, sans doute cet automne] apportera le même type de fonctions de gestion de la mémoire [que VMware]. Mais la question des coûts est beaucoup plus importante. En termes de licence logicielle, nous sommes très clairement plus économiques que [VMware], et pas seulement parce [Hyper-V fait] partie du système d'exploitation que vous avez déjà acheté, mais en raison du coût d’administration. System Center est licencié par serveur physique avec un nombre illimité de machines virtuelles s'exécutant à l'intérieur, ce qui est nettement plus avantageux que chez VMware. Et le fait que notre logiciel d’administration assure à la fois la gestion des environnements virtuels et physiques - alors que VMware ne peut gérer que le virtuel - amène un autre ensemble d’avantages qui ne sont en général pas intégrés dans ce calcul.
Ensuite, il y a des coûts récurrents. Ce qui nous ramène à notre point de vue de la virtualisation par rapport à celui de VMware. lls pensent que la virtualisation [est une fin en soi, une discipline à part entière]. Chaque fois que quelque chose de nouveau sort, c'est une discipline spécifique. Mais au fur et à mesure de sa banalisation, cela devient en général une compétence parmi tant d’autres [des administrateurs].
Nous pensons qu’au fil du le temps, la virtualisation deviendra une compétence parmi tant d’autres des administrateurs. C'est certes une compétence très stratégique, mais rien de plus qu’une compétence. Au fil du temps, la virtualisation fera partie de la boîte à outils des gens que vous avez déjà formés pour administrer Windows Server. Avoir un groupe distinct de personnes uniquement axés sur la virtualisation [comme le suggère VMware] est une aventure coûteuse. Notre position est que si vous êtes formés à Windows, vous maitriserez aussi la virtualisation.
Qu'est-ce que Microsoft, en tant que fournisseur d'applications, pense de la position d'Oracle consistant à ne pas soutenir ses applications sur des hyperviseurs autres qu’Oracle VM ?
D.G.: Nous soutenons fermement une position opposée à celle d'Oracle. Les utilisateurs comptent sur nous non seulement en tant que fournisseur d'infrastructure, mais aussi en tant que fournisseur d'applications, et nous ne pouvons pas bloquer ou empêcher le fonctionnement d’applications tierces. Nous avons un programme de certification d’applications sur des hyperviseurs tiers, qu’utilisent VMware et d’autres éditeurs. Nous certifions que Windows 2008 s'exécute au-dessus de ces hyperviseurs et que nous le supportons dans ces environnements. Nous comprenons aussi que les utilisateurs vont faire fonctionner d’autres environnements que Windows [au dessus d'Hyper-V], et que si nous devons être dans le business des hyperviseurs, nous devons veiller à ce que les utilisateurs se sentent libres de faire fonctionner plus que Windows sur Hyper-V.
Propos recueillis par Alex Barrett, SearchVirtualization.com
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