Green IT : Le PUE v2, un indicateur plus précis pour mesurer l'efficacité des datacenters
La première mouture de l'indicateur PUE laissait beaucoup de marge de mesure aux exploitants de datacenters et aux constructeurs informatiques, ouvrant ainsi la porte à des comparaisons fantaisistes. Avec le PUE v2, le Green Grid et la DataCenter Efficiency Task Force espèrent limiter les abus et fournir un outil plus précis pour la mesure et la comparaison de l'efficacité énergétique des datacenters.
La mesure de l'efficacité énergétique des centres de données a largement bénéficié de l’apparition du PUE, qui a fourni une norme commune pour la comparaison et l'amélioration de la consommation électrique. Mais l’indicateur de PUE laisse beaucoup de place à l'interprétation, ce qui permet à certaines organisations ou constructeurs de biaiser les résultats pour les rendre plus favorables qu’ils ne le sont réellement.
C’est pour lutter contre ces dérives que le Green Grid a créé le standard PUE v2. LeMagIT revient sur les faiblesses du PUE et explique comment la mesure PUE v2 peut venir à bout de ces limitations.
À l’origine, le PUE a été conçu pour tenter d’évaluer et de mesurer la performance énergétique des centres de données. Mais la mesure du PUE s’est rapidement transformée en un "sport extrême", de nombreux fournisseurs et entreprises publiant des résultats que personne ne croyait vraiment. Pire, il était souvent impossible d’obtenir des détails sur la façon dont les calculs avaient été réalisés ou les mesures effectuées, de telle sorte que l’on ne savait pas vraiment ce que voulaient dire les chiffres. Le problème est que le PUE est un nombre très facile à manipuler.
Le 29 octobre 2009, le Green Grid a publié la version 2.1 de son livre blanc sur le PUE, un document auquel nombre d’utilisateurs se réfèrent sous le terme « PUE v2 ». L’objectif du Green Grid était alors de fournir un moyen plus précis de rapporter un PUE, mais le succès n’a guère été au rendez-vous. Le 17 mai 2011, toutefois, le Data Center Efficiency Task Force (DCETF) a publié un document qui précise les moyens recommandés pour mesurer et rapporter une mesure globale de PUE.
Les failles du PUE
Comme chacun le sait, la définition du PUE est ridiculement simple. Cet indicateur est en effet obtenu en divisant la quantité totale d’énergie qui entre dans le datacenter par la puissance réellement utilisée par les équipements informatiques.
En théorie, un PUE de 1.0 est un idéal : il indique en effet que toute la puissance entrante va à l'équipement informatique (bref qu’il n’y a pas de déperdition, pas de pertes liées au refroidissement, à la protection électrique, à la conversion de tension…). Autant dire que l’obtention d’un tel résultat est techniquement impossible. La plupart des datacenters existants ont sans doute des niveaux de PUE compris entre 2,5 et 3,5, ce qui n’a pas empêché certains de revendiquer des ratios de PUE de l’ordre de 1,1 pour leurs nouveaux datacenters en conteneurs ou pour leurs centres de données de nouvelle génération. Un chiffre qui paraît surprenant.
Comment peut-on atteindre un PUE aussi bas ? Au vu de la formule de calcul, c'est simple : il suffit soit de réduire le numérateur soit de diminuer le dénominateur pour faire baisser le PUE. Et les manipulations possibles sont légions. On peut par exemple s’appuyer sur des mesures instantanées, lorsqu’il fait froid dehors et que l’informatique est utilisée à son meilleur rendement. On peut couper les circuits de refroidissement redondants pendant quelques minutes, le temps de réaliser des mesures plus favorables… De quoi afficher un bon résultat, mais qui n’a guère de sens.
Il y a encore d’autres façons de fausser la mesure PUE. Tout d’abord qu’inclut-on dans l’énergie totale apportée au datacenter ? Inclut-on l’énergie consommée par le centre de supervision du datacenter (NOC) ou celle des bureaux du datacenter ?
Pour ce qui est de la mesure de la puissance informatique consommée, effectue-t-on la mesure en sortie des alimentations des serveurs ou sur l’alimentation des onduleurs ? Dans ce dernier cas, la mesure inclut les pertes liées au PDU, à la ventilation dans le rack, etc…, même si elles ne contribuent pas à une production informatique réelle. On dope alors le dénominateur, ce qui améliore le PUE…Et que dire si l’alimentation électrique du bâtiment est partagée entre une zone datacenter et une zone de bureaux et quelques salles de réunion. Évalue-t-on les consommations de ces zones de façon « créative » afin de favoriser le PUE ? Bref, il existe de multiples moyens de doper ses résultats…
Ce que change le PUE v2
À l’origine, le PUE n’a pas été conçu comme un moyen de comparer les performances de datacenters différents, mais pour fournir un moyen de suivre dans le temps la manière dont évolue la performance d’un centre de données. Le Green Grid continue d’ailleurs à voir le PUE comme un indicateur de performance local et pas comme un outil de comparaison. Mais, comme il a bien compris que l’indicateur va être de toute façon utilisé pour établir des comparaisons, le consortium a tenté de limiter les biais. C’est là qu’intervient le PUE v2.
Cette seconde mouture du PUE apporte quatre changements majeurs et très importants dans la détermination du PUE : PUE v2 met tout d’abord en place 3 niveaux différents de mesure, baptisés PUE niveau 1, 2 et 3 (ou basique, intermédiaire et avancé). Le DCETF ajoute un quatrième niveau encore plus élémentaire (niveau 0). Ces niveaux sont identifiés par les labels PUE0 à PUE3. Chaque niveau affiche des exigences et de contraintes de mesures supérieures au précédent.
À l'exception de PUE0, toutes les mesures doivent maintenant être converties en énergie consommée, ce qui signifie l’inclusion d’une dimension temporelle. On parle donc désormais de kilowatts par heure au lieu de kilowatts. Et il faut inclure toutes les sources d'énergie entrante (par exemple, le gaz brûlé pour le chauffage doit être converti en équivalent kilowatts par heure). En outre, toutes les mesures doivent être réalisées à des points précis de l’infrastructure et doivent être réalisées sur une période minimale d'un an.
Les spécifications PUE v2 précisent désormais que les annexes, telles que bureaux et NOC, doivent être prises en compte dans le calcul PUE, si elles ont un lien avec l’IT. Enfin, le PUE v2 reconnaît que si les sources d'énergie renouvelables, comme l'éolien et le solaire, sont certainement des moyens précieux de réduire l'empreinte carbone, elles n'ont pas d'incidence ou d'influence sur PUE. La métrique PUE est strictement destinée à quantifier l'efficacité avec laquelle le datacenter utilise l'énergie qu'il consomme, peu importe la nature ou la source de cette énergie.
Les quatre niveaux du standard PUE v2
• PUE niveau 0 («PUE0») : c'est le PUE original au sens où il mesure encore le ratio énergie totale entrante vs puissance consommée par l’IT, à des points séparés dans le temps. La principale amélioration est qu’il est maintenant précisé que les mesures doivent être effectuées durant les périodes de pic d’utilisation de l’informatique. Par conséquent, le PUE0 passe sous silence les effets de charges variables. La mesure peut donc être largement faussée selon les moments auxquels sont effectués les relevés. En outre, la mesure de la puissance informatique est effectuée en sortie de l'onduleur et ajoute donc des pertes non IT, comme celles liées au PDU (bandeaux de distribution d’énergie) où à la ventilation des racks. Enfin, le PUE0 se concentre sur l’énergie électrique consommée et ne fournit aucun moyen de corriger les données en cas d’utilisation d’autres combustibles.
• PUE niveau 1 («PUE1 ») : c'est le premier des nouveaux PUE basé sur l'énergie ou du moins sur des calculs de consommation d'énergie. Il exige que les mesures soient effectuées en kilowatts par heure sur une période de 12 mois, et que tous les types de combustibles utilisés pour l’alimentation du centre de données soient convertis en une valeur commune - généralement ramenée à un équivalent kilowatts par heure.
C'est une amélioration majeure par rapport au PUE0, mais les mesures de « charge informatique » se font encore en sortie de l'onduleur, donc on conserve le même potentiel d'erreurs que pour le PUE0.
• PUE niveau 2 («PUE2») : La seule vraie différence entre PUE2 et PUE1 est que la « charge informatique » est mesurée à la sortie des bandeaux de distribution d’énergie (PDU).
• PUE niveau 3 («PUE3») : A ce jour, c'est la méthode de détermination du PUE ultime et la plus exigeante en termes de mesures. Sa mise en œuvre nécessite d'avoir l'infrastructure nécessaire pour mesurer avec précision la puissance consommée sur une période de 12 mois à l’entrée d'alimentation de chaque appareil informatique. Très peu de centres de données ont la capacité encore à faire cela (il faut pour cela des PDU intelligents), mais il s’agit sans doute de l'approche la plus précise.
La version 2 des spécifications PUE lève les ambiguïtés qui ont permis l’émergence de soupçons sur la validité des mesures de PUE au cours des dernières années. Mais elle complique un peu le calcul. Les niveaux les plus avancés exigent ainsi des capacités de mesure dont ne disposent pas les plus vieux centres et qui ne sont accessibles qu’aux datacenters les plus récents. Des capacités dont devraient toutefois disposer tous les centres soucieux de contrôler au plus près leur consommation d'énergie et leur efficacité.
A propos de l’auteur
Robert McFarlane est en charge de la conception de datacenters pour le cabinet de conseil international Shen Milsom & Wilke LLC. McFarlane a passé plus de 35 ans dans le secteur du conseil télécoms et a une expérience dans tous les segments de l'industrie des centres de données. McFarlane est largement publié, est aussi l’un des membres du comité technique TC9.9 de la société de normalisation ASHRAE, qui définit un grand nombre des standards dans le domaine du refroidissement et de la climatisation de bâtiments.
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