Tribune : BI et Corporate Performance Management, l’impact des consolidations
Début 2007, les quatre leaders du marché du logiciel d’entreprise, IBM, Microsoft, Oracle et SAP, représentaient moins du quart du marché de la Business Intelligence. Quelques semaines plus tard, sous l’impact d’un spectaculaire mouvement de consolidation, ils en contrôlaient les deux tiers. Si l’on y ajoute SAS, le cinquième “ gros bras ”, c’est 80 % du marché de la Business Intelligence qui s’est concentré autour de cinq leaders. A trop regarder du côté de l’offre, on a tendance à oublier que ce phénomène de consolidation était déjà enclenché du côté de la demande. C'est en tout cas le point de vue de Jean-Michel Franco, de l'intégrateur spécialisé dans la BI Business & Décision. Nous publions ici la première partie de sa tribune.
Partie 1 : la consolidation vue du côté des utilisateurs
La Business Intelligence arrive à maturité, à tel point qu’elle représente désormais plus de 10 % des investissements informatiques des entreprises. Mais, contrairement aux phénomènes constatés pour d’autres marchés comme l’ERP ou le CRM, où des pans entiers du système d’information ont été construits ou reconstruits en mode "big bang", les investissements en Business Intelligence ont été réalisés de façon progressive, souvent de manière éparpillée. En dépit de concepts fédérateurs comme le datawarehouse, chaque projet décisionnel a souvent généré ses choix d’outils et de prestataires, ses architectures, ses modèles de données, ses normes et standards, etc.
La situation change aujourd’hui pour plusieurs raisons. Tout d’abord, parce que le reporting ne sert plus seulement à rendre compte, mais aussi à rendre des comptes, en interne, à son management, mais aussi à ses clients ou aux autorités de régulation, etc. C’est ainsi que le système décisionnel est un pilier pour le respect de réglementations comme Bâle 2 ou Solvency 2, et qu’il tend à devenir le juge de paix pour la définition des rémunérations variables ou la détermination des prix de vente d’un produit.
Le système décisionnel devient ainsi "mission critical", un pilier du système d’information plutôt qu’un système à la marge. Les usages évoluent eux aussi et visent l’analyse de la performance de processus plutôt que d’activités isolées, justifiant dès lors plus de transversalité et par voie de conséquence un système d’information décisionnel consolidé pour l’entreprise. Enfin, dans le décisionnel comme ailleurs, le poids de l’existant commence à peser : consolider les systèmes en place devient une option possible pour les DSI dans leurs plans de réduction de coûts.
La consolidation par les plates-formes
La première consolidation à prendre en compte se situe au niveau technologique, et c’est celle-ci qui intéresse en premier les grands éditeurs de logiciels. La Business Intelligence a longtemps été un marché d’outils : les entreprises choisissaient un à un leurs bases de données multidimensionnelles, outils d’analyse ad-hoc, éditeurs d’états, outils d’intégration de données, progiciels pour la planification et l’élaboration budgétaire, etc.
Désormais, les entreprises s’orientent vers des plates-formes pour couvrir sinon la totalité, du moins 80% de leurs besoins décisionnels. Tous les éditeurs avaient tenu compte de cette tendance et ont lancé sur le marché ces plates-formes il y a deux ou trois ans. Mais, pour leur base installée, adopter ces plates-formes représente un projet de migration dont le coût est loin d’être négligeable et qu’ils sont loin d’avoir tous entamé. Par ailleurs, se pose pour les entreprises la question de quelle plateforme choisir, sachant que, le plus souvent, leur existant décisionnel est constitué d’outils issus de plusieurs fournisseurs dont le temps, les évolutions technologiques et les opérations de consolidation ont sérieusement remis en cause la cohérence.
Voilà pourquoi aujourd’hui, la plupart des grandes entreprises ont tout intérêt à remettre à plat leur architecture décisionnelle et à la rationaliser. Après s’être jouée au Nasdaq, la guerre des parts de marché sur la Business Intelligence a toutes les chances de se déplacer vers les grandes entreprises. A noter que, pour une fois, ce phénomène de concentration favorise la concurrence plus qu’il ne la limite : aucune position dominante n’est acquise parmi les leaders du marché, et la guerre des plates-formes fait rage.
La consolidation des organisations : les centres de compétences BI
Si le Gartner identifie la BI comme la priorité des DSI pour la troisième année consécutive, c’est aussi parce qu’elle ne l’a pas été suffisamment dans les années précédentes. Or, le meilleur moyen pour traiter cette priorité est de lui dédier les bonnes ressources et les organisations adaptées. Voilà pourquoi les entreprises constituent aujourd’hui des "BI Competency Centers", équipes pluridisciplinaires dédiées en charge de la priorisation, la planification, la gestion et la coordination des projets de Business Intelligence.
Organisés en service partagé à l’échelle de l’entreprise, ils permettent aussi de capitaliser sur les savoir-faire, les expertises, les méthodologies et les standards. De plus, ils supervisent le suivi et l’amélioration continue des projets tout au long de leur cycle de vie, y compris dans les phases de maintenance évolutive ou lorsqu’il s’agit d’accompagner les utilisateurs dans la prise en main des outils, la compréhension et l’exploitation optimale des données. Enfin, ils sont fréquemment en charge de la gestion de l’information, afin de s’assurer de la cohérence de données, de leur qualité, de la présence de référentiels des données (produits, clients, etc.) transverses à tous les projets décisionnels, voire à toutes les applications de gestion dans l’entreprise.
Cette nouvelle organisation, souvent très focalisée sur la définition de la stratégie, la planification, la gestion de portefeuilles projet, la maîtrise d’ouvrage, la définition des normes et standards ou la supervision des projets, en appelle une autre, au niveau de la réalisation proprement dite des projets et de leur maintenance. On voit ainsi se créer des centres de services BI permettant de délivrer les projets de manière industrielle. Etant donné que la réalisation des projets de Business Intelligence est un domaine que les entreprises ont eu tendance à beaucoup sous-traiter, il est fréquent que ces centres de services soient externalisés. Et, là encore, la consolidation est de mise, puisqu’auparavant, chaque projet avait souvent débouché sur des choix de prestataires spécifiques. Les entreprises profitent donc de cette opportunité pour mieux gérer leurs portefeuilles de fournisseurs , concentrant alors leurs choix sur un ou deux prestataires “ privilégiés ”.
* Cette tribune a été sélectionnée par la rédaction du MagIT. Elle ne reflète toutefois pas nécessairement l'opinion de la rédaction.