Tribune : les dépenses en Business Process Outsourcing en France
Le Business Process Outsourcing (BPO) est une activité mal comprise. Pour certains, elle est assimilée à une activité de délocalisation pure, une étape supplémentaire, après l’industrie, dans le déplacement des centres de production vers des pays à bas coût. Pour d’autres, le BPO n’est qu’une mode de plus importée des pays anglo-saxons et dont l’impact en France sera limité dans le court terme.
Bien évidemment, la réalité du BPO en France est complexe. La notion de BPO (Business Process Outsourcing, soit externalisation de processus métier) couvre des activités bien connues comme l’externalisation du traitement de la feuille de paye, les centres d’appels et de contacts qui cohabitent avec les nouveautés que sont le BPO en finance et comptabilité (F&A) et en achats. L’adoption en France du BPO en est encore à ses débuts. Même pour des activités courantes telles que le centre d’appel, le taux d’externalisation est inférieur en France à ce qui se pratique en Grande Bretagne. En outre, les contrats français restent en général de taille limitée.
De manière un peu universitaire, on distingue deux grandes formes de BPO : les activités dites « horizontales » et celles de « BPO vertical ». Le BPO horizontal inclut les centres d’appels, la feuille de paye et les fonctions RH, les achats et la comptabilité finance. Quant au BPO vertical, il désigne les activités dites spécifiques à une industrie, par exemple le trainement des chèques et autres moyens de paiement dans le domaine financier. Alors que le BPO horizontal recouvre un périmètre relativement clair, le BPO spécifique à une industrie représente un gigantesque fourre-tout.
- BPO horizontal : cohabitation d'activités diverses
Centres d'appel et feuilles de paie
Au sein du BPO horizontal, les activités de centre d’appel et de traitement de la feuille de paye représentent la majorité des dépenses. Les deux marchés sont relativement de taille similaire et matures. Maturité ne signifie pas inaction. Dans les centres d’appels, le contrat de SFR pour plusieurs de ses centres de réception d’appel a signalé l’arrivée de très grosse externalisations avec la reprise de sites et de personnel. La délocalisation y prend aussi une part grandissante confirmée par les effectifs de Teleperformance en Afrique du Nord et l’ascension rapide de Webhelp, un spécialiste du nearshore initialement implanté au Maroc. Le marché comprend en outre des sociétés réputées comme Arvato services, Acticall et Armatis.
Idem pour le marché du traitement de la feuille de paye qui a évolué significativement ces dernières années. L’offre de traitement industriel de la feuille de paye, un marché dominé par ADP en France, s’est étendue à d’autres services dont les services de veille réglementaire et l’adoption du logiciel fourni en mode SaaS/ASP. La grande révolution du secteur reste l’adoption de grands projets de rationalisation et de standardisation des applications de feuille de paye autour d’une seule solution éditeur. Une fois la phase de déploiement terminée, ces grands projets sont parfois maintenus et facturés sous un mode BPO (à la transaction). La maintenance s’étend alors de l’infrastructure informatique à l’applicatif et au service, plutôt qu’à une TMA plus classique. Outre ADP, on trouve une multitude d’entreprises dans ce secteur dont Cegedim SRH, des SSII (Arinso), des ASP (e-paye ou Cegid/CCMX) et les professions comptables.
Comptabilité et finance
Au-delà de ces activités historiques, sont apparus d’abord timidement quelques contrats de BPO en comptabilité finance (F&A pour « finance and accounting »), en ressources humaines et achats.
La comptabilité finance a été marquée par une grosse demi-douzaine de contrats, dont ceux de Michelin et Rhodia sont dans le domaine public. Cette discrétion des donneurs d’ordre français n’a rien d’étonnant : le F&A a une forte composante de délocalisations. En bref, le BPO en F&A repose sur la délocalisation des activités de comptabilité fournisseurs, client et comptabilité générale.. Des grandes sociétés comme Accenture, IBM, Capgemini et maintenant Steria officient dans ce secteur mais toutes n’ont pas de références avec des clients français. A côté des SSII, on trouve certains grands réseaux comptables actifs dans ce secteur, souvent en complément des SSII, tel Grant Thornton.
En savoir plus : lire notre enquête sur le BPO en France.
Ressources humaines et achats
Les références en matière de BPO en ressources humaines hors feuille de paye restent peu nombreuses, malgré un intérêt pour ces activités. Malgré quelques contrats, dont ceux remportés par IBM, le BPO en RH n’a pas connu l’essor attendu notamment en gestion de la formation et création de contenus de cours. Le BPO en RH reste marqué par les efforts d’automatisation des clients, ce qui se traduit par un investissement informatique en intégration de systèmes plutôt qu’en BPO pur.
Le secteur des achats, que ce soit dans sa logique acte d’achat (« procurement ») ou détermination des besoins du client et sélection du fournisseur (« sourcing » »), représente peu de dépenses effectives. Les SSII comme IBM côtoient des acteurs locaux comme k-buy. Le gros du marché des achats reste sous la forme de logiciels et de solutions (Bravo Solutions, Ariba et Synertade) et de sociétés spécialisées en restructuration (Alma, Lowendal/Masai, etc.). Les contrats de BPO en achats restent en France rares et de taille limitée.
- BPO vertical : frémissement dans les tâches administratives
Le BPO vertical désigne une multitude de tâches, bien sûr spécifiques au secteur d’activité du client. En France, on trouve d’une part des activités traditionnelles comme le traitement de paiement du chèque (Experian, Tessi et Safig) et de paiement électronique (Atos-Worldline).
D’autre part, les banques ont regroupé au cours des dix dernières années leur back office en conservation des titres, monétique, crédit à la consommation et crédit immobilier, parfois en mutualisant leurs centres de développement et de maintenance logicielle.
La crise financière semble initier des changements de comportement chez les donneurs d’ordre financier, notamment en ce qui concerne les tâches administratives et plus particulièrement en matière d’entrées de données, de traitement administratif des documents et de polices d’assurance. De manière plus générale, tout ce qui touche à la dématérialisation des documents. Les activités « liées au papier » représentent très certainement un grand vecteur de croissance des dépenses en BPO. Les économies y sont possibles. Et, dans le secteur financier, le phénomène bien engagé du papy-boom pourra constituer un facteur encourageant. Il serait d’ailleurs faux d’assimiler le « BPO papier » à des tâches sans valeur ajoutée. Des contrats dans les pays anglo-saxons montrent que certaines banques n’ont pas hésité à externaliser la collecte de données financières ou techniques, ainsi que de guides d’utilisation en Inde. C’est donc dans le BPO papier que nous prédisons l'accélération des dépenses la plus significative.
L'analyse de NelsonHall
Malgré cet intérêt renforcé dans le BPO vertical, il serait cependant illusoire de prédire un boom. Les donneurs d’ordre, comme les prestataires, ont une expérience à acquérir dans le contexte du marché français. A une vague de contrats qui viendront dans les deux prochaines années, succédera un ralentissement marqué par quelques « horror stories », qui viendront sanctionner quelques contrats mal ficelés. Pas de croissance exponentielle à attendre en France donc, mais plutôt une croissance raisonnée du marché ; phase qui s’amorce maintenant.
En savoir plus : lire notre enquête sur le BPO en France.