Tribune : piloter en zone de turbulence, un nouveau mandat pour la Business Intelligence
La BI semble portée par la crise. Le segment est particulièrement épargné par les réductions budgétaires. Mais, au delà, les outils décisionnels se positionnent comme une partie de la solution. Plus que jamais, piloter l’entreprise impose une clairvoyance permanente sur les performances métiers et l’efficacité de chaque processus, expliquent Ian Huckle et Jean-Michel Franco, experts de la BI chez Business & Decision.
Le « credit crunch » a propulsé les entreprises dans un climat d'incertitude sans précédent. Même les marques les plus solides voient leurs acquis remis en question et tous les secteurs d’activité sont concernés. Ceci a conduit, tout naturellement, à un élan de protectionnisme, de réduction des risques et de diminution des coûts. Le cash est roi, les budgets d’investissements sont mis à rude épreuve tandis que la rationalisation des budgets de fonctionnement est au centre de toutes les attentions. Tant de changements qui se produisent alors même que les marchés et les consommateurs sont en pleine évolution, due à l'ère numérique.
La rationalisation peut être tout simplement synonyme de réduction de coûts pour préserver ses acquis. Toutefois, pour les entreprises les plus agiles, elle représente une immense opportunité : celle de repenser les modèles opérationnels, de développer les activités les rentables, d’anticiper avant les autres les trous d’air et les périodes de reprise, d’équilibrer l’exposition au risque et d’orienter l’investissement au bon endroit. Plus que jamais, piloter l’entreprise impose une clairvoyance permanente sur les performances métiers et l’efficacité de chaque processus.
De la Business Intelligence à la gestion de la performance
La Business Intelligence voit ainsi élargir son champ de responsabilités, au plus près des processus de gestion et des opérations. Elle se mue en solution de gestion de la performance.
Pour les directions financières, le sujet n’est pas nouveau, même s’il reste encore beaucoup d’opportunités de rationalisation : dans ces périodes mouvementées, les hypothèses budgétaires et les prévisions, par exemple, doivent être réajustées en permanence, dans des cycles de plus en plus courts. L’analyse des coûts est un autre sujet d’intérêt, maintenant que l’entreprise s’organise en centres de services partagés, qui doivent refacturer leurs coûts et justifier de leur rentabilité.
Mais, la gestion de la performance s’étend aussi à d’autres activités de l’entreprise. Dans les banques, alors que l’évaluation de la performance des produits et celle des risques a toujours été un leitmotiv, les événements récents ont montré qu’elle imposait une vision encore plus fine à l’intérieur de la nomenclature de produits financiers devenus de plus en plus complexes, hétérogènes et interdépendants. De leur côté, les consommateurs de ces mêmes produits financiers, rendus de plus en plus prudents, exigent de leur banque l’information pertinente pour les accompagner dans leurs prises de décisions. Les autorités de réglementations étendent le périmètre de leurs instruments de contrôle, comme l’ont illustré les récents débats du G20 autour des modèles de rémunération des traders. La Business Intelligence augmente ainsi son empreinte au cœur, et non plus en superficie, des systèmes d’information de la banque : gestion des risques, relation client, analyse de la profitabilité, ressources humaines…
Jusqu’à présent observateur relativement passif de l’activité de l’entreprise, la Business Intelligence en devient aussi agent. Prenons l’exemple de la gestion des primes et des rémunérations variables, qu’elles concernent les salariés de l’entreprise ou ses tiers : distributeurs, courtiers, franchisés, etc. Dans cette période de crise, leurs modes de calcul suscitent toutes les attentions. Selon le Gartner, une affectation plus minutieuse des territoires commerciaux, des quotas et des primes est de nature à impacter le chiffre d’affaires d’une entreprise à hauteur de 5 à 10 % ! Et on voit bien que le sujet des rémunérations variables n’intéresse plus seulement l’entreprise, mais toutes ses parties prenantes qui exigent sans cesse plus de transparence : actionnaires, employés et syndicats, autorités de réglementations, presse, etc. Définir les modèles d’intéressement en fonction de la stratégie de l’entreprise, planifier les coûts, superviser le versement des primes et rendre compte de la juste attribution des rémunérations variables est donc devenu un processus en tant que tel, d’où le succès actuel de solutions dites d’Incentive & Commission Management pour les gérer.
Cet exemple peut être repris à tous les niveaux de l’entreprise. Chaque processus, chaque activité peut être significativement optimisée avec le support de système de gestion de la performance : gestion des dépenses liées aux achats, de la performance du marketing, optimisation de l’éco-efficience et des dépenses énergétiques, gestion des risques, etc.
De nouveaux besoins, mais des budgets resserrés
En se mettant au service de l’optimisation des processus, la Business Intelligence devient un outil d’entreprise en période de crise, au cœur des stratégies de rationalisation. Mais, elle reste soumise aux mêmes règles que toute autre activité dans l’entreprise : bien que confirmée par les DSI pour la quatrième année consécutive comme leur priorité numéro un, la dure réalité du terrain montre que les budgets consacrés à la BI sont au même régime que tous les autres.
Il faut donc, dans la BI comme ailleurs, faire plus avec moins. La bonne nouvelle, c’est que les voies d’optimisation existent : dans les grands comptes, il est de plus en plus fréquent d’identifier des potentiels de réduction du coût total de possession des systèmes d’information BI de 5 à 35 % ! La BI est suffisamment mature aujourd’hui pour évoluer d’un art à une discipline. Après s’être réalisée du côté des éditeurs de logiciels et des outils associés, la consolidation devient une opportunité aussi pour les entreprises, avec les potentiels d’économie d’échelle que cela implique.
Cela passe notamment par la création de centres de compétences en Business Intelligence, centres de services partagés pour le déploiement et la maintenance des projets. En devenant le point de contact unique pour la gestion du portefeuille des projets BI, ces organisations peuvent s’intéresser à l’optimisation du « delivery » : développement des nouveaux projets, maintenance corrective et évolutive, réalisation des grands projets d’amélioration continue de type consolidation des systèmes ou montée de version, etc. Certes, les modèles de déploiement très industriels, tels ceux des grands projets transactionnels, apparaissent mal adaptés à la Business Intelligence qui permet et nécessite des cycles de développement plus itératifs, en très forte proximité avec « le business » et les utilisateurs finaux.
Centres de services de proximité et recours à l'offshore
Il n’en reste pas moins qu’un certain degré d’industrialisation peut être mis en œuvre : la mise en place de centre de services externalisés de proximité pour le développement des interfaces de type rapport ou tableaux de bord, ou encore pour le support aux utilisateurs qui réalisent par eux-mêmes des requêtes ; l’utilisation de structures nearshore ou offshore pour les développements « lourds » (réalisation des développements pour les programmes d’intégration de données par exemple) ou pour des parties spécifiques de projets tels que les montées de version, les tests…
De telles organisations permettent de gagner sur les deux tableaux. En jouant l’industrialisation des développements, les coûts de possession diminuent. Ceci est la condition nécessaire pour dégager de nouveaux budgets qu’un centre de compétences BI spécialisé et libéré des contraintes du quotidien de la réalisation de projets saura exploiter pour mettre sur les bons rails les projets de gestion de la performance évoqués précédemment.