R&D : Les investissements européens progressent… sans les TIC
La R&D européenne gagne du terrain sur celle réalisée par les entreprises américaines, selon le tableau de bord annuel réalisé par la Commission européenne. Mais le Vieux continent boude clairement les technologies de l’information pour se consacrer à des industries plus établies comme la pharmacie ou l’automobile.
Pour la première fois depuis la mise en place de l’observatoire piloté par la Commission européenne en 2003, la croissance des investissements en R&D des entreprises sur le Vieux continent dépasse celle enregistrée par les entreprises aux Etats-Unis. Certes, les deux croissances sont proches et toutes deux légèrement supérieures à 8%, mais dépasser les Etats-Unis semblait une gageur tant, dans les exercices précédents, la prise en compte stratégique de la R&D semblait prédominante outre-Atlantique.
Mais la crise est passée par là et même si elle n’a pas touché de plein fouet l’économie réelle, il semble bien que les grosses industries américaines aient anticipé la récession. Ainsi, si par rapport à 2006/2007, les investissements en Europe gagnent un point, ils en perdent plus de 4 sur la même période aux Etats-Unis. Du coup, avec respectivement 8,8% et 8,6%, l’écart en matière d’innovation tend à se stabiliser. L’Europe représente pas loin du tiers des investissements en R&D (32,2%), contre 38,4% aux Etats-Unis et 18,4% pour le Japon. Sur le Vieux continent, l’Allemagne est le principal investisseur en R&D avec plus de 10% de l’investissement mondial. Mais la France s’octroie une belle deuxième place avec 6,7% des investissements dans le monde devant le Royaume Uni avec 5,2%.
La part des investissements en R&D des 1 402 entreprises auditées par origine géographique (en % des 372,9 milliards d’euros investis)
Source : Commission européenne – 2008
L’Europe en retard dans les secteurs les plus intenses
Mais le décalage demeure important si l’on tient compte de l’intensité de recherche, c’est à dire la relation entre la R&D et le chiffre d’affaires généré par les entreprises. Il s’établit à 2,7% pour les entreprises européennes contre 4,5% aux Etats-Unis et 3,6% au Japon. Selon les auteurs du rapport, la différence est liée à la spécialisation sectorielle de chaque continent. L’Europe développe plutôt des industries où l’intensité des besoins en R&D est moindre. De fait, parmi les 50 premières entreprises du classement opéré par la Commission européenne, seuls Nokia, Siemens, Ericsson et Alcatel ont trait aux technologies de l’information, très « intenses » en matière de R&D. Et encore, toutes ces sociétés sont surtout liées au secteur des télécoms. Pour le reste, l’automobile et l’industrie pharmaceutique se paient la part du lion.
En revanche, outre-Atlantique, ce sont pas moins de sept entreprises de TIC qui apparaissent avec Microsoft, Intel, IBM, Cisco, HP, Motorola et Oracle.
Nokia et Alcatel : les arbres qui cachent le retard européen
Pour la première fois, Microsoft prend même la tête du classement avec 5,6 milliards d’euros consacrés à la R&D. A titre de comparaison, le budget alloué à l’enseignement supérieur et la recherche pour 2008 s’établit à un peu plus de 23 milliards d’euros. La R&D de Microsoft représente donc pas loin du quart de celle de la France. La première firme européenne est également liée aux TIC : il s’agit de Nokia, passée de la 17ème à la 5ème place du classement, en consacrant plus de 10% de son CA à la recherche, soit 5,3 milliards d’euros d’investissement.
Derrière, le second acteur du continent en matière de R&D est Alcatel-Lucent à la 21ème place avec 3,36 milliards investis tout de même sur une activité en chute libre (-24,4% de CA selon le tableau de la Commission) et dont la R&D devient donc prépondérante avec un taux de 18,7%. En 2006/2007, Alcatel occupait la 42ème place du classement. Rien dans la construction informatique. Rien non plus dans le génie logiciel. L’Europe est sérieusement en retard en création informatique et les politiques publiques en la matière – symbolisée en France par le tout récent plan numérique 2012 – semblent être vraiment légères par rapport aux enjeux.
Une R&D délocalisée, l’agenda de Lisbonne dépassé
Qui plus est, si la croissance de la R&D européenne ne doit donc pas cacher un certain nombre de lacunes sectorielles, la localisation des investissements européens pose aussi problème. « La R&D du secteur privé en Europe reste équivalente à 1 % du PIB, un signe parmi d’autres qui peut vouloir dire que les entreprises de l’UE réalisent une part croissante de leurs investissements en R&D hors d’Europe. Nous devons donc poursuivre nos efforts pour attirer davantage de R&D des entreprises en Europe, notamment en créant un véritable espace européen de la recherche, afin de remplir les objectifs de la stratégie de Lisbonne», selon Janez Potocnik, commissaire européen chargé de la science et de la recherche. Un vœux pieu dans le retard est grand. Intervenant récemment dans le cadre d’un événement organisé en France par Oracle, Karel Van Miert, ancien commissaire européen à la concurrence, estimait, concernant l’agenda de Lisbonne, que « nous ne sommes pas en ligne avec nos ambitions de départ ». Et d’ajouter qu’il y a « quelques résultats dans certains secteurs d'activité. Mais, dans son ensemble, ce programme n'est pas vraiment un succès ».
Téléchargez l’ensemble du rapport réalisé par la Commission européenne (en anglais)
Tableau comparatif des investissements en R&D dans le monde par zone géographiques
Source : Commission européenne – 2008 (entre parenthèse les chiffres 2007)
Classement des sociétés du secteur des TIC selon leur rang en termes d’investissements en R&D
Source : Commission européenne – 2008 (entre parenthèse le rang en 2007)