Le rachat de Transitive apporte des technologies clés à IBM
En rachetant Transitive, un spécialiste de l'émulation logicielle, IBM pourrait avoir réussi un coup de maître. Les technologies de la petite société pourraient en effet permettre à Big Blue de proposer des solutions de migration séduisantes vers ses propres serveurs aux clients d'HP et Sun. Elles pourraient aussi être précieuses à Big Blue dans ses efforts de convergence de ses plates-formes matérielles, notamment si les rumeurs de convergence entre Power Systems et System z se confirmaient.
Le 18 novembre, IBM a annoncé l'acquisition de Transitive pour un montant non communiqué. Transitive est le fruit du développement de technologies d'émulation conçues au milieu des années 90 au sein de l'université de Manchester au Royaume-Uni. La société a été fondée en 2000 par Alasdair Rawsthorne, un professeur d'informatique, et par un groupe d'anciens étudiants de l'Université. La firme a son siège à Los Gatos en Californie mais l'essentiel de sa R&D est toujours à Manchester.
Un spécialiste de l'émulation logicielle
Transitive est connu pour ses solutions de transcodage, qui ont été utilisée par Apple, SGI et par IBM, pour assurer la transition en douceur d'applications conçues pour une plate-forme matérielle donnée vers une autre plate-forme. Par exemple, les technologies de Transitive forment la base de Rosetta, la technologie intégrée dans Mac OS X pour assurer la compatibilité des applications développées pour les Mac à base de puces PowerPC sur les Mac à base de processeurs Intel.
Silicon Graphics (SGI) a lui aussi fait appel aux technologies de Transitive pour assurer une transition en douceur des plates-formes MIPS vers ses nouvelles machines Itanium. IBM enfin, a basé sa solution d'émulation PowerVM Lx86, qui permet aux applications Linux x86 32 bit de fonctionner sans recompilation dans un environnement Linux virtualisé sur plates-formes Power (System p ou Power Systems).
Dans tous les cas, il faut bien sûr prévoir un impact sur les performances, mais comme en général, la migration se fait sur des plates-formes bien plus performantes que la plate-forme d'origine, l'impact sur l'application est négligeable ou du moins acceptable.
Une arme pour IBM face à HP et Sun
Outre ces contributions à des environnements d'émulation tiers, Transitive dispose aussi à son catalogue de trois solutions permettant d'exécuter des applications développées pour Solaris Sparc sur des plates-formes tierces. QuickTransit for Solaris/SPARC to Linux/x86-64, permet de faire tourner sur un serveur x86 sous Linux des applications Sparc tandis que QuickTransit for Solaris/SPARC to Linux/Itanium réalise la même magie pour des serveurs Itanium. Enfin, QuickTransit for Solaris/SPARC-to-Solaris/x86-64 permet d'exécuter des applications conçues à l'origine pour la plate-forme Sparc, sur des serveurs x86 sous Solaris x64.
En ces temps de crise, ce portefeuille devrait en toute logique contribuer à alimenter la machine à FUD (Fear, Uncertainty and Doubt) de Big Blue, qui ne manquera pas dans les prochains mois de proposer des offres de migration vers ses propres plates-formes aux clients Sun. Aux Etats-Unis la guerre des nerfs entre les deux constructeurs est déjà lancée et il suffisait de se promener dans les allées de CA World pour s'en rendre compte, les représentants de Big Blue n'hésitant pas à assimiler Sun à un nouveau SGI dont les clients devraient s'éloigner au plus vite (Quoique avec 3 Md$ de cash en banque, on voit mal en quoi Sun ressemble à SGI désormais assis sur moins de 40 M$ de réserves...).
Dans un premier temps, les solutions de Transitive pourraient donc être utilisées par Big Blue pour offrir des solutions de migration à ses clients, par exemple la relocalisation sur des serveurs Power Systems sous AI/X d'applications conçues à l'origine pour Solaris ou HP-UX.
Un rôle à jouer dans la migration du Mainframe vers l'architecture Power ?
Mais la technologie de Transitive recelle d'autres promesses pour Big Blue. A moyen terme, les technologies de Transitive pourraient aussi être utilisées par Big Blue dans son effort de rationalisation de ses plates-formes matérielles. IBM a déjà fusionné ses gammes System i (AS/400) et System p au sein de la gamme Power Systems, mais des rumeurs insistantes prêtent aussi à IBM le souhait de faire converger ses plates-formes Power et Mainframe, en appuyant sa prochaine génération de plates-formes Mainframe sur les futurs processeurs Power. Ce plan de migration, connu sous le nom de code Znext, est de plus en plus un secret de polichinelle. Certains des représentants de Big Blue à CA World avec lesquels nous avons discuté s'exprimaient ainsi de façon très libre sur l'existence de Znext.
Big Blue a déjà commencé un travail de fond sur son architecture matérielle en embarquant dans les puces Power certaines des caractéristiques essentielles de RAS des puces de ses mainframes. Plus récemment le Power 6 a hérité des capacités de calcul décimal jusqu'alors réservées aux puces des Mainframes. En fait, les puces z6 des mainframes et le Power 6 partagent de nombreux éléments en commun, à commencer par leurs équipes de design. Quelques grosses différences subsistent toutefois à commencer par le jeu d'instruction et l'endianess (le Power 6 est «Little-Endian» tandis que le z6 est «Big-Endian»). Le Power 7 pourrait toutefois permettre à IBM de boucler la boucle.
Seul problème, il faudrait alors assurer la compatibilité logicielle comme l'avait fait en son temps Bull en migrant ses grands systèmes GCOS vers les puces Itanium. Pour ce faire, IBM peut compter sur son propre savoir-faire mais aussi sur celui de ses récentes acquisitions. L'équipe de PSI, un fabricant de compatibles Mainframes fondé par des ex-Amdahl, a ainsi l'expérience du développement de couche d'émulation pour grands systèmes IBM et son savoir-faire, associé à celui de Transitive pourrait être essentiel dans l'éventuelle migration de la plate-forme System z vers l'architecture Power. Après tout, les premiers produits proposés par Transitive en 2004 étaient conçus pour permettre la transcription à la volée de code mainframe...
En savoir plus :
Un livre blanc sur PowerVM Lx86 (source IBM)