Après le rachat de Data Domain, EMC va devoir rationaliser son offre de déduplication
NetApp a officiellement jeté l'éponge face à EMC dans le combat pour l'acquisition de Data Domain, un spécialiste de la déduplication de données. L'offre de 2,1 Md$ d'EMC a été acceptée par la cible qui devrait devenir une division indépendante du constructeur. L'acquisition pose toutefois un certain nombre de questions, notamment celle de l'arbitrage que va devoir faire le numéro un mondial du stockage entre les trois technologies de déduplication aujourd'hui à son catalogue. Un arbitrage qui pourrait bien plomber Quantum, qui dispose d'un partenariat rémunérateur avec EMC sur le sujet.
On ne saura finalement pas si un mariage entre NetApp et le spécialiste de la déduplication Data Domain aurait fait sens. NetApp a en effet du rendre les armes face à EMC qui, fort d'une trésorerie de plus de 9 Md$, a porté les enchères sur Data Domain à un niveau hors d'atteinte de son rival. Data Domain sera donc acquis par EMC, le conseil d'administration de la petite firme ayant donné son aval à la dernière proposition du constructeur d'Hopkington. La fusion devrait être opérationnelle d'ici un mois et Data Domain opérera dans un premier temps comme une division autonome d'EMC (avant sans doute une intégration plus profonde comme cela s'est produit pour Documentum ou RSA).
Une technologie convoitée
La bataille pour Data Domain rappelle que la déduplication est une technologie convoitée. Elle permet en effet aux entreprises de réduire considérablement leurs besoins en matière de stockage, notamment en matière de sauvegarde et d'archivage, mais aussi parfois en matière de stockage primaire. Elle permet aussi, en supprimant les informations redondante à la source et en les reconstituant à destination, de réduire sensiblement les fenêtres de sauvegarde des données entre deux sites distants.
L'acquisition de Data Domain par EMC devrait avoir plusieurs conséquences. Tout d'abord NetApp se retrouve privé d'une technologie dont il avait sans doute besoin pour améliorer son offre technologique actuelle, qui a le mérite d'exister mais l'inconvénient d'être assez frustre. NetApp se voit aussi privé d'une perspective de diversification sur laquelle il comptait pour assoir son développement. À son rythme de croissance actuel, Data Domain pourrait en effet réaliser un CA de l'ordre de 400 M$ en 2009, un coup de pouce bienvenu aux 3,4 Md$ de CA que NetApp a réalisé au cours de sa dernière année fiscale achevée le 24 avril 2009.
Entre ses technologies de déduplication, EMC va devoir... dédupliquer
EMC, de son côté, gagne l'une des technologies les plus réputées du marché en matière de déduplication, mais a du pain sur la planche en matière d'intégration. Tout d'abord, l'acquisition de Data Domain s'est largement réalisée dans un contexte d'hostilité de la part du conseil d'administration de la firme, ce qui n'augure rien de bon pendant la phase d'intégration. Ensuite, EMC va se retrouver avec plusieurs technologies de déduplication. Le géant d'Hopkington dispose déjà, depuis le rachat d'Avamar en 2006, d'une technologie de déduplication dite à la source (la déduplication s'effectue à l'endroit d'où proviennent les données et non pas au niveau de l'équipement où elle seront stockées). Cette technologie a été intégrée dans plusieurs produits dont le logiciel de sauvegarde Networker et Avamar Virtual Edition for VMware (sauvegarde d'environnements virtuels).
Enfin, une partie du succès de Data Domain repose sur la vente d'appliances prêtes à l'emploi couplant sa passerelle de déduplication, le stockage associé et des modules logiciels optionnels. On imagine qu'EMC demandera à sa nouvelle division d'assembler de nouvelles appliances couplant ses propres systèmes de stockage et JBOD aux passerelles de Data Domain et qu'il souhaitera aussi intégrer la technologie de déduplication à ses librairies de bandes virtuelles, plutôt que maintenir une concurrence artificielle entre l'offre VTL dédupliqué de Data Domain et ses librairies DL3D baties sur la technologie de déduplication de Quantum (voir ci-dessous). Ce qui devrait bien prendre quelques trimestres
Une acquisition qui ne fait pas le bonheur de Quantum
Pour compliquer un peu plus la situation, EMC a aussi noué une alliance stratégique avec un concurrent de Data Domain, Quantum, pour la fourniture de ses appliances de déduplication Quantum Dxi avec ses propres librairies de bandes virtuelles, et a effectué un prêt de 100 M$ à son partenaire. Ce qui a largement contribué à sauver la société de la faillite. Dans la foulée, Dell, un partenaire traditionnel d'EMC, a également annoncé un accord avec Quantum.
Même si l'offre de Data Domain n'est pas équivalente à celle de Quantum sur tous les points (par exemple du fait de l'absence d'une option de post-processing), on peut légitimement penser que la fusion annoncée avec Data Domain compromet à moyen terme cette alliance et qu'EMC finira par privilégier la technologie de Data Domain, quitte à l'enrichir. Reste encore à savoir ce que fera Dell.
Un face-à-face avec IBM
Un abandon des technologies de Quantum par EMC pourrait refaire entrer la société dans une zone de fortes turbulences. Il priverait en effet Quantum de précieux revenus de licences et confirmerait aux yeux des donneurs d'ordre qu'EMC a sans doute jugé la technologie de Data Domain supérieure à celle de Quantum. Resterait alors un espoir : celui qu'un autre constructeur vienne s'intéresser à la technologie de déduplication de Quantum.
Notons pour terminer que l'acquisition de Data Domain devrait mettre EMC en concurrence frontale avec IBM, qui dispose lui aussi d'une offre d'appliance de déduplication depuis le rachat l'an passé de l'Israélien Diligent. Les passerelles de déduplication DD690g de Data Domain pourraient ainsi devenir de redoutables concurrentes pour les Appliance ProtecTIER d'IBM. Surtout si Data Domain tient rapidement sa promesse d'ajouter le clustering à ses appliances 690, ce qui améliorerait singulièrement leurs performances tout en assurant une plus haute disponibilité.