Projet ONP : les 8 clefs du projet de l'année dévoilées
Pour le système de paye de 3,1 millions de fonctionnaires (civils et militaires), l'Opérateur national de paye (ONP) a choisi la solution logicielle HR Access, à l'issue d'un appel d'offre de plus d'un an. La mise en œuvre sera assurée par Accenture et Logica, appuyés par Sopra (via sa filiale Axway) et Bull. Le contrat - un accord-cadre d'une durée de 9 ans - couvre tant la fourniture de la solution, que l'intégration avec les systèmes RH des ministères, le déploiement, la formation des utilisateurs et la maintenance du futur système. Décryptage du "marché de l'année" au travers de 8 clefs.
1) Organisation du consortium
Si au plan juridique, le mandataire sur le projet reste Accenture, la SSII américaine et Logica sont dits co-traitants solidaires sur le projet. "Ce qui signifie que nous sommes au même niveau qu'Accenture sur toutes les phases du projet. Et que nous sommes garants des défaillances d'Accenture et vice-versa. La volonté de notre consortium est d'offrir un guichet unique vis-à-vis de l'administration : on n'a pas voulu entrer dans la logique des parties de ping-pong entre prestataires", explique Stéphane Zouari, directeur général de Logica France et sponsor du projet ONP.
Concrètement, si Accenture se focalise plutôt sur les chantiers d'accompagnement et de déploiement, tandis que Logica se focalise plutôt sur les aspects relatifs à la paie et sur l'intégration de la solution HR Access, l'idée consiste bien à construire des équipes intégrées, réunissant environ 100 consultants d'Accenture et autant de Logica. Un total qui montera à 250 personnes lors du pic de charge, selon Stéphane Zouari. Les équipes des prestataires seront logées sur un plateau commun, situé dans les locaux de l'ONP à Paris.
2) Le coeur progiciel
Pour les besoins de l'administration, HR Access, l'éditeur de la solution au cœur de l'ONP (préféré à SAP), développera une adaptation de son progiciel actuel, qui deviendra une version éditeur classique, dont la maintenance sera assurée par HR Access. "On livre bien un progiciel à l'ONP, même s'il s'agit d'un progiciel à client unique, avance Franck Boutboul, le directeur de HR Access France. Avec un engagement de maintenance proche d'un client standard. La particularité sur ce projet, c'est qu'on s'engage à ce que le produit soit conforme à la législation et que c'est l'ONP qui l'a fait. Mais on est maître du calendrier sur ces développements".
Reste dans un premier temps à adapter le progiciel. "L'écart fonctionnel entre nos solutions actuelles et le cahier des charges de l'ONP existe, mais il n'est pas démesuré. Nous avons déjà au catalogue une offre pour la paie de la fonction publique territoriale", souligne Franck Boutboul. Selon Philippe Uszynski, directeur de projet chez le même éditeur, ces aménagements fonctionnels touchent aux particularités des statuts des agents de l'Etat et à la conformité aux règles de gestion de l'administration centrale. Sans oublier la prise en compte de quelques cas spécifiques, comme l'Education Nationale. Quelques développements spécifiques seront également réalisés pour des outils périphériques au cœur progiciel (validation de la paie, assistance, gestion documentaire, etc.).
3) Les sous-traitants
Derrière, les deux co-leaders de ce consortium ayant remporté ce qui est vu comme le projet de l'année, officient deux sous-traitants : Axway d'abord (éditeur filiale du groupe Sopra), qui offrira le système d'échanges permettant d'entrer sur la plate-forme ONP, Bull ensuite, à qui sera confié la partie hébergement et maintien en condition opérationnelle. Un rôle qu'il connaît bien puisque c'est déjà ce rôle d'exploitant qu'il assume sur Chorus, le gigantesque projet de refonte de la comptabilité de l'Etat. Selon Jean-Pierre Barberis, directeur général France, responsable des branches services et solutions de Bull, ce contrat occupera plusieurs dizaines de personnes de sa société dans les locaux de l'ONP à Paris. "Dans le cadre de l'ONP, on s'engage sur neuf ans. Ce qui constitue une contrainte forte pour l'infrastructure", explique le dirigeant. Pour héberger la solution, Bull a choisi des systèmes Escala Unix, épaulés par une infrastructure Intel pour des besoins complémentaires.
4) Des informations homogènes avec les SIRH
Car, en dehors même de la construction d'une solution calibrée par les besoins de l'administration et capable d'encaisser le traitement de 3 millions de feuilles de paie, le cœur HR Access doit aussi se raccorder aux différents SIRH des administrations, avant tout à ceux des ministères (un domaine où, justement, HR Access se taille la part du lion comme le montre le tableau ci-dessous). Pour assurer une homogénéité entre le cœur et ces systèmes périphériques, l'ONP a défini un ensemble de règles, "pour s'assurer que les concepts définis dans la paie se retrouvent bien dans les SIRH ministériels". Un "cahier des charges" qui va imposer d'ailleurs des adaptations de ces systèmes.
Entre SIRH ministériels et ONP, les transmissions se dérouleront en "mode événementiel", précise Philippe Uszynski, "via des batchs à la journée. Aujourd'hui, les transferts d'informations entre ces silos applicatifs sont souvent mensuels".
5) La reprise de données
C'est une des autres complexités du projet ONP. En effet, les informations à injecter dans le nouveau système souffrent d'un manque d'homogénéité des nomenclatures employées par les différents systèmes sources et de la qualité approximative de certains historiques de carrière. Ce chantier important, piloté par Logica, doit débuter tout prochainement. Stéphane Zouari parle notamment "d'historiques de carrière à gruyère par rapport à un système maximaliste en terme de contrôle (le système cible donc, NDLR)". Si elle exploitera au maximum des moulinettes de transcodification automatique, la SSII n'exclut pas d'avoir à procéder à des réinjection de données, voire des resaisies de données.
6) Le déploiement
Après la construction de la solution (qui doit s'achever début 2012), un premier déploiement portant sur 500 000 agents doit avoir lieu dans le courant de la même année, sur deux ou trois sites pilotes. Si la taille de ce premier round élimine de facto un mastodonte comme l'Education Nationale, les administrations retenues ne sont pas encore officiellement désignées. L'Intérieur pourrait toutefois essuyer les plâtres, selon plusieurs sources.
7) Des SIRH en mode Saas, une extension vers la BI
Si l'ONP vise bien sûr à moderniser la paie de la fonction publique d'Etat, un besoin unanimement reconnu, il lorgne aussi au-delà : l'appel d'offre intègre en effet les droits d'usage de la fonction SIRH. Autrement, l'Opérateur national de paie entend se poser en fournisseur de solution SIRH - en mode ASP - pour les administrations. Sur la base du volontariat, ces dernières (ministères et EPIC, établissement public à caractère industriel et commercial) pourront donc basculer vers cette solution, par construction harmonisée avec le cœur de paye.
L'ONP doit aussi prochainement émettre un appel d'offres portant sur le volet BI du projet, un aspect essentiel permettant un contrôle centralisé de l'évolution de la masse salariale du secteur public. Un enjeu qui, avec la baisse des effectifs dédiés au traitement de la paie, figure parmi les motivations du projet. Rappelons que le projet doit déboucher sur la suppression de 3 000 postes dédiés à la paye dans les ministres et de 800 au Trésor public. Aujourd'hui, le traitement de la paye occupe environ 10 000 fonctionnaires (sans compter les personnels du Trésor public), mais la productivité varie dans des proportions allant de 1 à 10 selon les ministères.
8) Le budget
Dans la notification de marché publiée fin novembre, l'accord cadre ONP (fourniture de la solution, maintenance, support matériel, communication avec les SIRH) est valorisé 88 millions d'euros, mais il s'agit du "montant de la tranche ferme forfaitaire", précise le document. Selon les différentes sources, les estimations de la facture finale varient. Il semblerait toutefois que la construction du système d'information paye coûte à elle seule entre 70 et 80 millions d'euros. S'y ajouterait encore 80 millions pour les déploiements et la phase de maintenance et le coût des licences HR Access. Cette facture totale ne comprend pas les coûts de personnel de l'ONP qui emploie 80 personnes (et dont les effectifs devraient monter à 100).
Appel d'offres : un marathon épuisant |
Conclu par la victoire du consortium Accenture-Logica-HRAccess, le dialogue compétitif orchestré par l'Opérateur national de paye (ONP) entre les deux attelages en lice (le second étant composé d'IBM et SAP, épaulés par Steria) s'est apparenté à un véritable marathon. Pas moins de 20 séances de dialogue jusqu'au test comparatif de performances, dénombre Stéphane Zouari. Selon lui, le dossier a mobilisé quelque 50 personnes en avant-vente chez les deux prestataires, soit un investissement de plusieurs millions d'euros. "C'était une compétition de plus d'un an, avec de réelles complexités fonctionnelles. Le benchmark de la solution a été réalisé dans nos laboratoires de Grenoble", précise Jean-Pierre Barberis, le directeur général France de Bull, sous-traitant du consortium Accenture-Logica-HR Access. Selon ce dernier, le test a été mené grandeur nature, sur 3 millions de payes. On comprend mieux que, informé de son échec fin août, IBM ait déposé un recours, finalement rejeté mi-septembre. |