Analyse : La migration des Superdome vers le Xeon, une décision prévisible
Déjà lors de l'annonce des SuperDome 2, HP n'avait guère fait de mystère sur la possibilité technique de produire un Superdome à base de Xeon. Avec l'annonce du projet Odyssey, cette transition vers l'architecture x86 de la plate-forme critique d'HP est désormais officielle. Seul bémol, HP-UX ne fera pas le voyage et les nouveaux Superdome x86 devront se contenter de Windows et Linux.
Il aura finalement fallu moins de 18 mois pour que le scénario imaginé par LeMagIT quant au développement par HP de serveurs Superdome x86 se concrétise. L’an passé, à l’occasion du lancement du Superdome 2 à Francfort, LeMagIT avait théorisé le lancement par HP d’un plan B consistant à pousser le développement d’une version x86 de ses grands serveurs, si jamais les ventes de serveurs critiques Itanium continuaient à se détériorer. Depuis, Oracle a abandonné HP en rase campagne et les revenus dérivés par HP de ses serveurs Itanium ont chuté de 25 à 35% selon les trimestres. Une tendance qui a encore été confirmée cette semaine lors de l’annonce par le constructeur de ses résultats.
La firme ne pouvait plus se permettre de continuer à ignorer la détérioration de la situation et a donc pris la seule décision logique : décliner en version x86 son offre de serveurs Itanium. Pour être honnête, HP n’avait pas caché lors du lancement du Superdome 2 que l’architecture de ce dernier et surtout son chipset sx3000 était largement agnostique quant à l’architecture processeur des lames - pourvu que les processeurs en question utilisent le bus Quickpath (ce qui est le cas des Xeon et des Itanium).
Bruno Maillard, le directeur marketing de la division BCS en France, expliquait lui même en juillet dernier dans une interview accordée au MagIT « qu’en théorie rien n’empêcherait HP de concevoir un Superdome 2 x86 sur la base de l’architecture actuelle ». Il ajoutait toutefois à l’époque que « ce n’est pas parce que cela est techniquement possible que cela fait sens économiquement. La plupart des clients x86 se satisfont aujourd’hui parfaitement de ce que nous leur proposons aujourd’hui avec nos serveurs Xeon haut de gamme. Pour l’instant, on ne voit pas de vrai besoin au-delà 8 sockets Xeon, même si, là encore, il serait possible d’aller plus loin ». Entre temps la dégradation persistante des ventes de serveurs Itanium a sans doute achevé de convaincre le constructeur de faire évoluer sa stratégie.
Le projet Odyssey va donner naissance à des serveurs Superdome à base de Xeon
C’est donc tout naturellement que HP va tirer parti de la « compatibilité » de son architecture serveur avec le bus des puces x86 pour son projet « Odyssey ». Odyssey prévoit la livraison d’ici à 2013 de lames à base de processeurs Intel Xeon – vraisemblablement des Xeon E7- pour le châssis HP Superdome 2 (nom de code « DragonHawk » - le futur SuperDome 3 ? -) et pour le châssis HP BladeSystem c-Class (nom de code « HydraLynx »). Pas question en revanche de porter HP-UX sur Xeon. HP a toujours admis qu’un tel portage était techniquement faisable, mais estime que les éditeurs de logiciels sous HP-UX ne feraient pas l’effort de porter leurs logiciels pour une nouvelle plate-forme. A défaut d’un OS Unix robuste sur plate-forme x86, HP veut donc officiellement renforcer les environnements Windows et Linux avec des innovations d’origine HP-UX dans les deux prochaines années. Notamment, HP entend porter HP ServiceGuard sur ces plates-formes, une façon de préserver pour ses clients le savoir-faire issu d'années d'exploitation de plates-formes HP-UX. Reste qu'il ne faut guère se faire d’illusions : nombre des innovations en matière de résilience viendront sans doute plus des évolutions des puces Xeon E7 que des travaux logiciels de la firme, d'autant que les grands utilisateurs Linux et Windows essaient d'éviter le plus possible les verrues "propriétaires" sur ces environnements.
Concrétement « Dragonhawk » permettra à HP de proposer des systèmes Numa capable d’accueillir jusqu’à 32 socket processeurs Xeon E7 soit sans doute au moins 512 cœurs et au moins le double de threads. Ces serveurs s’appuieront sur la même technologie de crossbar que celle développée par HP pour ses systèmes Itanium. Ils intégreront des fonctions de partitionnement physique basées sur la technologie nPars d’HP ainsi qu’une technologie d’introspection firmware baptisée HP Analysis Engine for x86 permettant le diagnostic avancé des plates-formes x86 et le contournement d’erreurs.
A l’instar des lames BL680c G7 actuelles, ”HydraLynx” permettra , de son côté, d’assembler au sein d’un châssis lames standard c-Class des systèmes à deux, quatre et huit sockets Xeon par agrégation de lames bi-socket. Il ne devrait guère y avoir de miracle sur cette plate-forme, puisqu'elle devrait logiquement s'appuyer sur le chipset Intel et sur son aptitude à gérer jusqu'à 8 socket dans un système à image unique via le bus QuickPath.
Les clients HP-UX savent désormais à quoi s'en tenir
Pour les clients HP-UX, HP se veut rassurant : les applications actuelles pourront continuer à s’exécuter sur des lames Itanium s’insérant dans le châssis “DragonHawk”. Ce dernier sera une plate-forme hybride à même d’accueillir à la fois des lames x86 et Itanium. HP continuera aussi à développer et à supporter HP-UX et ses autres OS critiques sur Itanium, mais les clients ne doivent a priori se faire aucune illusion. L’annonce du projet Odyssey, 17 ans après l’annonce par Lew Platt - le CEO d’HP à l’époque - du lancement du projet VLIW avec Intel, signe la fin à terme de l’aventure Itanium et marque l’intention d’HP de pousser une plate-forme critique basée sur les Xeon E7 et fonctionnant sous Linux et Windows. Même si HP devrait sans doute continuer à produire des systèmes Itanium au cours des cinq à sept prochaines années – et les supporter encore bien plus longtemps –, Odyssey est l’acte qui officialise l’enterrement définitif de 25 ans de développement de plates-formes « propriétaires » par HP (PA-RISC est apparu en 1986). Et c'est aussi le début du crépuscule pour le fidèle HP-UX. Dans un futur plus ou moins lointain, l'OS devrait connaitre le même avenir que MPE, l'environnement d'exploitation des HP3000. Pour ce qui est des autres OS de la marque - comme Open VMS - et d'un calendrier plus précis de support d'HP-UX, le salon HP Discover qui se tient la semaine prochaine à Vienne, devrait permettre d'avoir des réponses plus précises de la part du constructeur.
L’analyse du MagIT sur l’annonce d’HP est somme toute assez simple. Les clients existants de HP utilisant la plate-forme Itanium savent désormais que cette plate-forme n’est plus stratégique pour le futur du constructeur, mais ont aussi l’assurance que la firme continuera de produire au moins deux générations de machines (avec les Itanium Poulson en 2012 et Kittson, ensuite) et continuera donc à supporter leurs environnements pour au moins une bonne dizaine d’années, sinon quinze ans après la fin de vie de ces plates-formes. Ils savent aussi désormais que certaines de leurs applications critiques pourront progressivement être basculées sur une plate-forme serveur x86 robuste et dotée de caractéristiques d’administration et de management avec lesquelles ils sont familiers. Les concurrents de HP sont quant à eux prévenus. Alors qu’ils continuent à assumer des coûts de développements processeurs élevés pour leurs architectures RISC, ils vont se retrouver en concurrence directe avec des plates-formes Superdome Xeon sous Windows et Linux pouvant tirer parti de tous les avantages économiques d’une architecture banalisée et de toute l’expertise d’HP en matière de plates-formes critiques. Gageons que l'on n'a pas fini d'entendre HP vanter le rapport performance/fiabilité/prix de ses futures offres de serveurs critiques x86.
Le seul regret désormais concerne l’opportunité manquée qu’a été pour HP le refus d’acheter Sun avec Oracle. Des serveurs SuperDome Xeon sous Solaris x86 auraient en effet sans doute fait bel effet face aux serveurs Power d’IBM. En l’état actuel des relations entre HP et Oracle, de telles machines ont sans doute peu de chance de voir le jour. A moins que, justement, les deux firmes ne se réconcilient autour d’un tel projet, un projet qui verrait Oracle confier à HP le développement du matériel pour laisser l’éditeur se concentrer sur la partie OS et logicielle. On peut toujours y croire… mais c'est peu vraisemblable. D'autant qu'un autre acteur a beaucoup à gagner à la transition entamée par HP. Microsoft, puisqu'il s'agit de lui, disposera avec les Superdome x86 d'une plate-forme haut de gamme pour pousser SQL Server, et l'ensemble de son offre entreprise dans les environnements critiques. Et Microsoft dispose d'une alliance stratégique avec HP...
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