Le recrutement des informaticiens à l'épreuve des réseaux sociaux
Pas besoin d'être branché en permanence sur l'actualité du marché du recrutement en ligne pour reconnaître le début d'emprise des réseaux sociaux dans ce domaine. Question retour sur investissement (en temps passé), tant pour l'employeur que pour le candidat, tout est affaire de ciblage correct. En informatique plus que dans d'autre métier ?
« Du DSI au développeur, de la start-up au géant du logiciel, être présent sur les réseaux sociaux est devenu la norme », observe Frédéric Magnen, consultant senior du cabinet de recrutement et d'évaluation Selescope. Jusque là, rien de très spécifique au secteur IT, comme pour le recrutement en ligne en général, dont on sait maintenant qu'il concerne deux-tiers des Français en quête d'emploi (observatoire Orange-Terrafemina). Rien de spécifique non plus au fait que les « pros » de l'informatique soient, par métier, à l'aise avec les technologies sous-jacentes à cette modalité de contact. Toutes disciplines confondues, les jeunes générations sortant de l'université voire du lycée ont en grande partie la même aisance d'usage.
Plus original, dans le supplément de visibilité que donne la présence sur les réseaux sociaux par rapport aux CVthèques des portails d'emploi, le mélange d'ouverture d'esprit et de ciblage précis que cela demande pour prétendre à quelque efficacité. Et ce, tant du côté des cabinets spécialisés et des sociétés IT qui intègrent ce canal (Viadeo, Linkedin, Facebook, voire Twitter) dans leurs campagnes d'embauche, que du côté des informaticiens qui s'affichent en recherche active.
«Sur les réseaux sociaux, il est très facile de contacter un profil qui nous intéresse, et les informaticiens sont souvent sollicités par plusieurs cabinets simultanément», témoigne Marine Colonna, chargée de recherche du cabinet Eurowin Consulting Group. Rien de bien neuf à cela, si ce n'est que les cabinets en question sont incités à une approche encore plus qualitative. «Compte tenu de cette facilité de contact, nous veillons à proposer de postes intéressants auprès d'entreprises ayant une bonne notoriété afin de faire la différence ». Du côté des candidats, «l'important pour nous est de cibler des profils précis, afin qu'ils soient réceptifs à nos propositions de poste », remarque cette chargée de recherche.
De plus, « les informaticiens qui travaillent sur des projets avec des délais très serrés ne sont pas vraiment à l'écoute du marché », ajoute Marine Colonna. «Les profils recherchés, qui n'ont pas vraiment la nécessité de se faire connaître, ont au contraire tendance à se faire le plus discret possible», renchérit Jean Thily, consultant senior du cabinet Alexandre Tic (groupe Adecco). Autant de caractéristiques du contact entre la demande et l'offre d'emploi, particulièrement soulignées dans le secteur IT, qui font que c'est à ce niveau précisément – de la facilité à entrer en relation- que la pratique des réseaux sociaux est en voie de changer la donne.
La fin du cliché du technicien dans sa tour d'ivoire
Le cliché veut en effet que les pros de la technique soient peu communiquant , et n'aient pas les bons réflexes pour se constituer un réseau professionnel. « C'est de moins en moins vrai, avec la génération montante qui a un certain sens du relationnel», avance Frédéric Magnen. Et comme selon lui, «en DSI et en SSII, plus personne ne cherche des techniciens purs et durs, mais des professionnels qui sachent dialoguer avec les métiers, qui ont le sens du contact avec le client », l'informaticien qui soigne sa présence sur les réseaux sociaux met de son côté les chances de booster sa carrière.
Mais suffit-il de faire partie de la génération connectée pour avoir le sens du contact ? Quid des « geeks » purs et durs ? N'ont-ils pas été les premiers et les plus assidus à diffuser l'info entre eux via les réseaux ? Ou encore, est-ce les réseaux sociaux qui ont accéléré la sortie des experts de leur tour d'ivoire ?
«C'est un peu l'histoire de la poule et de l'oeuf. Du fait de leur tendance reconnue à préférer la communication par écran et par écrit, plutôt qu'en face à face, la pratique de la messagerie instantanée et des blogs, puis celle des réseaux sociaux leur ont permis de se familiariser avec le réseautage, sans pour autant être extraverti», constate Frédéric Magnen. Une familiarisation que mettent à profit certains réseaux communautaires (dédiés à tel ou tel créneau technologique ou applicatif) mais que ne fréquentent ni n'exploitent guère les recruteurs : « ce sont des espaces de contacts plutôt destinés aux échanges entre passionnés, pas assez vastes pour être pertinent dans un contexte de recrutement », juge ce dernier. « Quand vous êtes reconnu comme spécialiste dans un communauté de spécialistes, on retrouve ce qui guide la chasse de tête classique ; internet ou pas, l'information circule sans vous», abonde Jean Thily.
L'importance de l'expérience candidat
Autre aspect crucial de la communication de recrutement, l'importance accordée désormais à l'expérience candidat. Pour laquelle les supports internet servent autant de défouloir que de diffusion d'information sur les sociétés qui embauchent. Un point particulièrement crucial dans le contexte des SSII qui ont du mal à se défaire de leur déficit d'image. «Dans ce type de société pour lesquelles le recrutement et la maîtrise du turnover constituent le nerf de la guerre, les réseaux sociaux sont un bon moyen d'encourager les candidats mais aussi les collaborateurs à témoigner dans un espace qui leur est propre », remarque Frédéric Magnen.
Lors du Barcamp parisien accueilli par le groupe Adecco (le 9 février) dédié au recrutement 2.0 (canal de sourcing complémentaire, management de communauté, alliance objective ou espérée entre la partie marketing et la fonction RH de l'entreprise, personnalisation du contact attendue des candidats), diverses interventions ont fait allusion à cette possibilité de « faire tomber les cloisons entre l'interne et l'externe, entre salariés et candidats ». Mais cette ouverture n'est-elle pas à double tranchant ? «Qu'il s'agisse d'une politique commerciale ou de la gestion de carrière, si l'image que l'on souhaite faire passer par cette voie ne correspond pas à la réalité, si c'est du flan, aucune chance que cela marche durablement », considère Frédéric Magnen.
Passer de 5% à 25% des recrutements issus du sourcing sur réseaux sociaux
Pour Sonia Sassi, responsable de recrutement de la SSII Datavance (groupe Adecco), cette mise à l'épreuve de la marque employeur à l'aune des réseaux sociaux est devenue un passage obligé. « Les voies classiques de recrutement sont obsolètes. Nous sommes passés de la communication classique par annonce à une communication interactive multicanal. En formant les chargés de recrutement à l'usage des médias sociaux qui l'utilisent quotidiennement pour la partie sourcing. Pour diffuser l'information autour des divers métiers du groupe. Pour répondre aux questions des candidats. Pour fidéliser les candidats autant que nos collaborateurs », explique-t-elle. De 5% des recrutements issus actuellement de cette activité sur les réseaux, l'objectif du service de recrutement de Datavance (une dizaine de personnes pour cette SSII de 800 salariés) est de passer à 25% dès cette année. Sans négliger pour autant les voies et les astuces plus ou moins traditionnelles de la gestion de carrière (information interne) et de l'embauche (relations écoles-entreprises, accueil de stagiaires, mécénat, rencontres de cooptation entre salariés en poste et candidats potentiels).
Pour en savoir plus :
- Un résumé de ce que les réseaux sociaux ont apporté ou changé dans le recrutement sur le site Talenteo dédié au recrutement 2.0
- Les points clés d'un mémoire abordant la question: quelle importance donner aux réseaux sociaux dans une stratégie de recrutement ?
crédit photo © rikilo - Fotolia.com
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