NetApp à la peine, dans un marché du stockage déprimé
Après 18 mois de folle croissance, NetApp vient de connaitre un trimestre difficile avec un recul de 1% de son CA et surtout une baisse de 7% de ses ventes de systèmes de stockage. Une contre-performance qui intervient sur un marché du stockage déprimé comme en témoignent les résultats des autres grands acteurs du secteur. Avec une question en filigrane : est-ce la fin de la période de vaches grasses pour les constructeurs de stockage ?
Sale temps pour les géants du stockage. Après les résultats mitigés d’EMC au cours des deux premiers trimestre 2012 (+2,97% et +3,3% de croissance des ventes de systèmes de stockage aux premier et deuxième trimestre) et après les performances décevantes d’IBM (-3% et -4% pour l’activité stockage au cours de la même période), NetApp vient d’annoncer une chute de son activité au second trimestre, tout en faisant mieux qu’initialement prévu. Le CA trimestriel s’établi ainsi à 1,44 Md$ (-1%), tandis que le bénéfice s’effondre de 54 % à 64 M$.
La fin d'une exception
Jusqu’alors, NetApp était un peu une exception dans le monde du stockage. Depuis le premier trimestre 2010, le constructeur avait toujours affiché une croissance supérieure à 20% pour ses ventes de systèmes de stockage (hors licences logicielles et maintenance), avec des pointes régulières au dessus de 30% et même des pics à 50% (sur deux trimestres en 2010). Cette belle performance a connu une fin brutale au cours du trimestre écoulé : les ventes de baie de stockage de NetApp ont ainsi reculé de 7,01% au cours du dernier trimestre fiscal du constructeur, pour chuter à 898 M$, soit un niveau inconnu depuis le 4e trimestre calendaire 2010. Par rapport à la même période de l’an passé, c’est un recul de 77 M$, mais surtout un recul de 267 M$ par rapport au premier trimestre calendaire 2012.
Finalement, seule la hausse des revenus de licences et de maintenance ainsi que celle des services (+10 et +11% respectivement) a permis au constructeur de limiter la casse. Le CA de NetApp s’inscrit ainsi en retrait de 1%, alors que celui d’EMC (stockage + services associés) progresse de près de 7%. Hitachi, de son côté, voit ses revenus stockage progresser de 3,56% tandis qu’HP renoue avec une légère croissance de 1,02% et qu’IBM continue à décevoir avec un recul de 4% de son activité stockage.
Le plus inquiétant pour NetApp est qu’il semble que les ventes de systèmes e-series (les gammes acquises lors du rachat d’Engenio l’an passé) soient globalement restée stables sur un an, ce qui veut dire que c’est la gamme phare du constructeur, les FAS qui a subi le plus fort recul. NetApp ne fournit pas de détail (tout en indiquant réfléchir à une séparation dans ses comptes des activités E-Series et FAS), mais précise que la capacité livrée au cours du trimestre n’a progressé que de 4% sur un an. On est donc loin des 40 à 50% de croissance en capacité évoqués sur un rythme annuel par les analystes. Les clients ont donc clairement ralenti leurs achats et sans doute également appliqué un tour de vis tarifaire sur leurs fournisseurs. Et cela semble avoir été particulièrement vrai dans le cas des clients de NetApp.
Une morosité durable pour les acteurs du stockage ?
La vraie question est désormais de savoir si cette morosité du marché du stockage sera durable. Depuis plusieurs années, les constructeurs de stockage ont fait fortune en vendant très cher des systèmes qui, au fond, ne sont que des serveurs x86 banals bourrés de disques. Jusqu’alors leurs prix se justifiaient par l’intelligence du logiciel fourni avec leurs baies. Mais les fonctions les plus courantes des baies de stockage sont en voie rapide de banalisation. Cette banalisation est en partie illustrée par l’arrivée de multiples nouveaux acteurs sur le marché, et notamment d’acteurs du stockage Flash, qui proposent des rapports prix/performances très supérieurs à ceux des géants du secteur. Pire, à l’heure où les serveurs sont virtualisés et où les réseaux sont en voie de l’être (via la banalisation des architectures de type SDN), le stockage pourrait lui aussi finir par subir la même transformation, avec des contrôleurs de virtualisation intelligents connectés à des multitudes de systèmes de stockage plus ou moins « low-cost » en fonction des besoins de performance.
Si cette évolution se confirmait, il n’est pas sûr que les spécialistes du stockage parviennent à maintenir les marges et les taux de croissance insolents des dernières années. Pire, une telle approche pourrait favoriser le retour en grâce des « généralistes », dans le cadre d’approches d’informatique convergente. Pour l’instant, NetApp continue à mettre l’accent sur son architecture FAS et tente de palier les attaques de nouveaux venus dans le monde du stockage avec des innovations autour de la Flash (avec une approche largement concentrée sur le cache). Mais si cette approche venait à faillir, le constructeur pourrait devenir une proie pour un généraliste désireux de bâtir une offre intégrée. On pense notamment à Cisco avec lequel NetApp dispose déjà d’un solide partenariat. NetApp pourrait en effet être un complément de choix pour le n°1 mondial des réseaux, d’autant qu’EMC lui a récemment fait quelques infidélités (avec notamment la signature d’un accord avec Lenovo et le rachat par VMware de Nicira, dont la technologie de réseaux programmables - Software Defined Networking - est de nature à menacer à long terme le rôle de Cisco dans les réseaux d’entreprise).