Questions à Pierre Bruno, DXC, sur la fusion CSC/HPE, sur l'emploi et sur la stratégie de la SSII
Le vice-président et directeur général de DXC Technology pour l'Europe du Sud a accepté de répondre aux questions du MagIT sur la fusion CSC / HPE ES. L'occasion de faire le point sur les conséquences de la fusion, son impact sur les salariés et sur l'évolution des métiers de la SSII.
Au lendemain de la fusion entre CSC et HPE Enterprise Services (HPE ES) qui a donné naissance à DXC Tehcnology, LeMagIT s'est entretenu avec Pierre Bruno, le Vice-Président et Directeur Général de la SSII pour l'Europe du Sud. Pierre Bruno a répondu à nos questions sur la fusion entre les deux sociétés sur son impact sur l'emploi et les salariés et plus généralement sur les ambitions de DXC en matière de transformation de l'informatique de ses clients.
LeMagIT : CSC est historiquement moins développé en Europe continentale que ses grands concurrents et vous avez une taille modeste en France avec environ 300 M€ de CA. Le fait de se marier avec HPE qui est sensiblement plus gros que vous va-t-il changer la donne pour vous sur le marché français et en Europe.
Pierre Bruno : CSC, ce sont 2500 personnes en France. Nous ne sommes quand même pas la boutique au coin de la rue. L’idée de la fusion est d’être le premier acteur mondial indépendant des services IT. On passe devant Accenture. Cela ne veut pas dire que l’on sera premier en France, certes, nous aurons une présence significative en France et dans les autres pays d’Europe du Sud.
Au niveau mondial, nous allons réaliser 25 Md de CA, Nous ne communiquons pas sur les chiffres d’affaires par région [Selon les comptes annuels déposés au greffe, CSC France a déclaré un CA de 283 M€ en 2016, en recul de 3,8 % et un effectif moyen de 1725 salariés en baisse de 9 %. HPE ES réalisait plus d’un milliard d’euros de CA en France, N.D.L.R.]
LeMagIT : Lors de l’annonce de la fusion CSC et HPE avaient annoncé un chiffre d’affaires mondial agrégé de 26 Md$ et les plans d’évolution montrent une cible de 24 à 24,55 Md$ pour 2018. La fusion dans un premier temps ne devrait pas enrayer la baisse des CA des deux entités.
Pierre Bruno :Nous prévoyons une croissance sur la région Europe du Sud. CSC et HPE ES sont extrêmement complémentaires dans la région. CSC vient des métiers du conseil, c’est une grande part de notre CA et HPE vient des métiers de l’infogérance et de l’infrastructure. En France, il y a une très grande complémentarité et c’est ce qu’attendent nos clients. On voit qu’il y a un intérêt très fort des clients, des collaborateurs et des employés, car CSC et HPE sont deux forces extrêmement complémentaires en France.
Quel est l’impact de la fusion sur les salariés ?
LeMagIT : Pourtant, la principale source d’économie annoncée lors de la fusion porte sur les personnels. Si l’on fait des estimations basées sur les précédents plans de réductions d’effectifs d’HPE et sur les objectifs de déplacement de personnels dans les pays à bas coûts, 25 000 à 30 000 salariés, pourraient faire les frais de la fusion dans les pays occidentaux au niveau mondial, une réduction en partie compensée par des embauches dans les pays à bas coûts. Vos salariés sont-ils donc si ravis que cela de la fusion ?
Pierre Bruno : Ecoutez, je ne suis pas là pour parler d’inquiétudes liées à la fusion. Nous sommes au premier jour de la fusion. Nous sommes en train de créer le premier groupe mondial. (…)C’est une belle fusion. Pour le reste, vous me permettrez de prendre un peu plus de 24 h pour pouvoir vous répondre. Je n’ai pas de commentaires à faire en l’état sur ce sujet. (…)
Nous avons une opportunité en France de rassembler un cabinet de conseil et une SSII qui est sur le marché de l’infrastructure.
Ce que nous demande le marché et ce que nous voulons faire est de devenir le leader de la transformation digitale. Cela passe par une bonne compréhension des enjeux métiers, qu’apporte CSC, et une maîtrise de la technologie, ce qu’apporte HPE. Nous pensons que nous sommes pertinents sur ce marché en France et ailleurs. Après nous avons des clients qui veulent que nous délivrions des projets en nearshore ou offshore. Ce sont les données du marché. Nous avons d’ailleurs déjà des équipes nearshore et offshore. Et nous répondrons bien sûr aussi à ces demandes
LeMagIT : Quand on regarde le marché de la transformation numérique, les services exigés par les clients semblent demander de la proximité et de la réactivité et cela semble en contradiction de plus en plus grande avec l’offshoring des personnels dans les pays à bas coûts…
Pierre Bruno : Il y a deux phénomènes : un besoin de compréhension du métier qui exige de la proximité, et c’est pour cela que l’on a plus de 2000 consultants en France, c’est du conseil local. Et puis on a de la technologie avec de l’externalisation. Ce sont des marchés complémentaires mais qui sont différents et qui ne sont pas sur les mêmes modes de sourcing de la part de nos clients.
On observe que la transformation digitale demande une connaissance fine des métiers et de la technologie. Si DXC prend des parts de marché, c’est parce que nous adressons la transformation digitale, non pas de façon générique, mais en partant des besoins des métiers. C’est ce que nous demandent les clients.
LeMagIT : Les durées de projet se raccourcissent et les projets sont de plus en plus agiles ; les interactions entre IT et utilisateurs métiers sont en forte croissance. Cela suppose une formation des équipes ou l’embauche de nouvelles compétences. Certains de vos concurrents ont un modèle extrêmement cynique qui consiste à licencier des salariés dont les compétences ne correspondent plus aux besoins modernes pour aussitôt les remplacer par des salariés formés aux nouvelles technologies, là ou auparavant on aurait privilégié la formation de ces salariés. Le plan stratégique que vous présentez se traduit par l’accent mis sur les nouveaux métiers du digital. Cela va demander un ajustement massif de vos compétences et de vos moyens de production. Quelle est la voie choisie par DXC ?
Pierre Bruno : Ce que je vois sur le marché est que l’on a des clients qui veulent travailler sur des cycles courts en mode agile. Chez DXC, nous avons les équipes pour le faire, en France, en nearshore et en offshore. La fusion nous dote ainsi de centres de delivery important en Espagne, au Portugal ainsi qu’en Inde.
Cela fait un moment que nous travaillons sur des projets en mode agile. Je n’ai pas à gérer un legacy à transformer. Nous sommes déjà dans ce mode de production applicatif. (…) Et chez HPE ES, il y a une compétence Java que l’on compte bien utiliser dans les projets en cours.
DXC et la transformation numérique
LeMagIT :Si l’on regarde l’histoire des vingt dernières années et que l’on s’intéresse aux métiers IT qui ont le plus progressé, les SSII ne sont pas celles qui ont le plus profité du développement de l’IT. Le grand gagnant des dernières années est l’édition logicielle, c’est le modèle qui a prouvé qu’il pouvait être industrialisé et a vu son CA croître le plus rapidement. Le logiciel a historiquement généré de la charge de travail pour les SSII,en matière d’intégration, de conseil, de personnalisation ou de paramétrage. Mais le modèle SaaS est en train d’éliminer une partie de cette charge de travail. Une partie de votre croissance dans le digital est liée à des acteurs du SaaS comme ServiceNow, Workday ou Salesforce. La quantité de travail qu’ils générent est-elle comparable à celles des progiciels d’antan ou parle-t-on d’intégration bien plus « light » ? Et dans ce cas quelle est votre valeur avec ces acteurs ?
Pierre Bruno : On est loin de l’intégration « Light ». C’est d’ailleurs ce qui tire notre croissance. Les offres SaaS ne sont pas forcément prêtes à l’usage. Quand vous êtes une société du CAC 40 et que vous déployez WorkDay, ServiceNow ou SalesForce, ce n’est pas « Plug and Play ». Donc cela nécessite un certain nombre d’intégrations par rapport aux processus de l’entreprise, de customisation, de formation, de paramétrage. C’est sur ces practices SaaS que l’on investit et que l’on recrute, aussi bien en France qu’en Europe du Sud.
LeMagIT : L’activité ITO d’HPE n’a cessé de reculer au cours des années avec la montée du cloud. Le métier de l’ITO reste-t-il essentiel pour vous face à la croissance des offres d’infrastructure des Amazon, Google, Azure, OVH et autres, ou est-ce un métier qui est menacé ?
Pierre Bruno : Comme vous le remarquezà partir des données de notre investor Day, ce marché de l’ITO est en légère décroissance en Europe, car nos clients réduisent leurs investissements sur la partie « run » afin de développer leurs investissements sur la partie transformation et sur le SaaS. Maintenant la part de marché de DXC sur la partie ITO nous laisse à penser qu’il y a encore de belles opportunités. Nous avons la chance d’être un acteur global. C’est un marché important pour nous et qui va le rester.
LeMagIT : Il y a aujourd’hui plusieurs modèles d’infrastructures. Le premier, hyper automatisé et flexible est celui des acteurs du cloud. L’autre plus traditionnel est le modèle d’outsourcing d’infrastructure historique des SSII, qui n’a pas le niveau de flexibilité, d’automatisation et d’innovation des acteurs du cloud. Le futur de ces métiers chez DXC est-il de répliquer un modèle de type Amazon et de devenir l’usine de production de vos clients ? ou voyez-vous un chemin de développement différent pour ces activités ?
Pierre Bruno : Notre métier est d’accompagner la transformation de nos clients. Cela passe par la transformation vers le cloud, mais cela peut prendre plusieurs aspects, public, privé ou hybride. La plupart de nos clients sont dans des schémas d’hybridation. Que faisons-nous par rapport à cela ? Nous pouvons aider nos clients à bâtir une stratégie d’hybridation entre leur cloud public et privé, pas tant au niveau des infrastructures que d’un point de vue applications.
Quel est l’applicatif métier que je mets sur un cloud public ? Quel est celui que je mets sur un cloud privé ? Comment gérer la bascule entre les deux ? Où positionner les données par rapport aux obligations réglementaires ? C’est à ces questions que nous répondons pour nos clients.
Sur le cloud public nous travaillons avec deux partenaires, Amazon AWS et Microsoft Azure. Avec la fusion, nous allons devenir le premier partenaire mondial d’Azure. Nous n’avons pas vocation à être concurrents de ces acteurs, nous sommes leur partenaire. Donc nous n’aurons pas une offre d’infrastructure de type IaaS. (…) Nous avons un rôle à jouer dans l’orchestration entre public et privé et nous le faisons par application.