Le Premier Ministre invite à l’usage du logiciel Libre dans l’Administration
Le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault a publié en fin de semaine dernière une circulaire invitant les ministères à considérer fortement les logiciels libres dans leurs choix informatique. Parmi les recommandations de cette circulaire, la contribution aux communautés est évoquée. Un document salué unanimement par l’éco-système du Libre en France.
A trois semaines de l’Open World Forum, grand raout national entièrement acquis à la cause du Libre, tant logiciel, matériel que culturel, l’éco-système du logiciel Libre hexagonal a trouvé de quoi bomber le torse. Vendredi 19 septembre, le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault a signé de sa main une circulaire invitant tous les ministères à considérer de près l’usage des logiciels libres dans leurs systèmes d’information. Une avancée clé pour l’ensemble de l’éco-système qui y voit une concrétisation de son approche. Après plusieurs années incertaines qui avaient vu le gouvernement précédent redonner des gages aux géants du logiciel commercial, l'Etat français connu comme un pionnier de l’usage de libre, semble de nouveau parier sur ce mode de développement et de commercialisation pour développer l'emploi informatique en France, mais aussi pour réduire les coûts.
Intitulée « usage des logiciels libres dans l’administration », la circulaire se veut le reflet des travaux entrepris il y a plusieurs année dans l’Administration. «Une longue pratique» qui a notamment «permis le développement de compétences et la capitalisation de nombreuses expériences positives», écrit de sa plume Jean-Marc Ayrault. Le Libre a donc germé dans le tube à essai étatique ; il est désormais temps d’en déduire des orientations et bonnes pratiques qui permettront d’insérer le logiciel libre dans les processus des Ministères.
Si cette circulaire rappelle les mécanismes qui contribuent au fonctionnement du libre en général, elle illustre également la volonté du Premier Ministre de généraliser le logiciel à code ouvert et de ne pas le considérer comme un parent pauvre : « désormais, pour répondre aux besoins métiers, le logiciel libre doit être considéré à égalité avec les autres solutions. C’est dans cette évolution que s’inscrit l’usage du logiciel libre dans l’administration», écrit alors le groupe de travail commandité par la Disic (Direction interministérielle des systèmes d’information et de communication). Si la réduction des coûts est un argument qui revient souvent comme l’avantage clé, la circulaire évoque également la notion de support sur le long terme, la concurrence ouverte, la mutualisation, le modèle de développement communautaire, la rationalisation des outils informatiques. Mais attire également l’attention sur les contextes où le logiciel Libre n’est pas forcément souhaitable. Bref, «un choix raisonné et pas un engagement idéologique», souligne le document.
Une collaboration qui passe par la contribution
Mais l’un des points clé est certainement l’appel à la collaboration de tous les ministères. Le logiciel Libre ne pourra ainsi être considéré à égal des autres logiciels dits propriétaires que si les travaux sont placés sous le cadre de la mutualisation, semble ainsi dire la circulaire.
Un point déjà traduit très concrètement en juin dernier, lors de la signature par Capgemini, Alter Way et Zenika d’un contrat de support interministériel portant sur le logiciel Libre .
Selon le groupe de travail, cette collaboration et mutualisation devra être active en interne, en participant au maintien à jour du cadre de convergences des souches libres, mais également en s’associant à des groupes d’experts interministériels déjà en place. Et de citer le groupe interministériel «noyau» , qui pilote l’ensemble et est responsable des choix globaux en matière de logiciels libres, et les groupes d’experts thématiques. Parmi lesquels MIMO (Mutualisation Interministérielle pour une Bureautique Ouverte), lancé en 2005 par l’ADAE (aujourd’hui la DGME) et dont la vocation est de certifier une version de LibreOffice que les ministères peuvent déployer. En 2011, la Disic y a associé d’autres groupes thématiques, comme MIMDB (pour les bases de données), MIMOS (pour les systèmes d’exploitation) and MIMOG (pour les outils d’inventaires et de déploiement).
Mais, autre point clé - et c’est un grand pas en avant - la circulaire invite à collaborer avec les communautés et prône la contribution. «Une règle simple à appliquer serait de ré-injecter systématiquement de 5 à 10% des coûts de licences évités», est-il écrit.
Le CNLL et l’April s’en félicitent
Logiquement, l’éco-système du Libre en France a applaudi des deux mains la circulaire. A commencer par le Conseil National du Logiciel Libre (CNLL) pour qui ce document représente «une avancée majeure». “C’est un peu un coming-out du gouvernement sur le logiciel libre ! Depuis longtemps, le logiciel libre tient une place de choix dans les services informatiques de l’Etat, mais les prises de position officielles avaient rarement été aussi claires et engagées, accompagnées de résolutions concrètes,” déclare Patrice Bertrand, président du CNLL, dans un communiqué publié pour l’occasion.
Même son de cloche du côté de l’April, dont son président Lionel Allorge se félicite «de la volonté exprimée dans cette circulaire de travailler avec les communautés du Logiciel Libre et ses entreprises, et de faire en sorte que les connaissances informatiques soient mieux partagées au sein des différents ministères ». Et d’ajouter : «après la circulaire Fillon sur la généralisation de l'usage des formats ouverts, cette décision du Premier Ministre est une bonne nouvelle pour l'administration française.»
Tout le monde est unanime : il s’agit d’un grand pas en avant.
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