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LockBit 3.0 : des indépendants très divers

Ils utilisent le ransomware de l’enseigne sans pourtant avoir de lien établi avec elle. Certains ont commencé à mettre en place leur propre infrastructure de négociation et de divulgation de données volées. D’autres apparaissent peu structurés et demandent rarement des rançons de plus de 1 000 $.

Tous les LockBit 3.0 n’ont pas la même saveur. Certes, il faut compter avec LockBit Black (dopé au code de feu BlackMatter) et LockBit Green (infusé à la sauce Conti), mais également les rançongiciels générés avec un outil dédié, un « builder », qui a échappé à la franchise en septembre 2022. 

Un éventail varié d’indépendants utilise ce builder pour conduire des cyberattaques et extorquer de l’argent à leurs victimes, mais sans lien établi avec l’enseigne mafieuse bien connue. 

Fin février, Sophos a indiqué avoir observé des rançonneurs utilisant ce builder après avoir exploité des récentes vulnérabilités affectant ScreenConnect de ConnectWise. La marque de l’emploi de ce builder avait été observée lors de la cyberattaque menée contre le centre hospitalier de Versailles, fin 2022. Tout récemment, il a été employé dans le cadre d’une cyberattaque contre le système d’information du ministère de la Communication et de l’Information (Kominfo) indonésien. 

Les acteurs malveillants utilisant ce builder présentent des niveaux d’avancement différents dans leurs méthodes d’extorsion. La majorité de ceux qui sont observables, à partir d’échantillons téléversés dans des bacs à sable d’analyse de maliciels – à commencer par le célèbre Virus Total – pourrait se contenter d’extorsion simple. À savoir du chiffrement de données sans vol préalable, quand d’autres ont déjà mis en place un environnement de gestion des négociations, voire de divulgation de données exfiltrées du système d’information de leur victime. 

Pour ce tour d’horizon, nous nous sommes penchés sur une trentaine d’échantillons présents sur lesdits bacs à sable d’analyse depuis le mois d’avril.

Les plus modestes

Les acteurs les moins avancés se contentent du courrier électronique, de la messagerie chiffrée Tox, de Session, de Telegram, et/ou de Jabber pour conduire les négociations. Ils ne semblent pas disposer de site vitrine pour revendiquer leurs attaques et divulguer les données de leurs victimes. 

Certains se sont donné un nom, d’autres pas. Parfois, le montant demandé en rançon est clairement mentionné dans la mal nommée ransom note. Ce fichier texte déposé par le ransomware à son exécution ne contient pas toujours de montant ; c’est même exceptionnel avec les groupes pratiquant la double extorsion. 

Capture d'écran d'un exemple de ransom note du prétendu LockBit 4.0.
Exemple de ransom note du prétendu LockBit 4.0.

Là, nous avons constaté des montants parfois très bas – de quelques centaines de dollars, en bitcoin, à quelques milliers. Cela vaut pour celui qui se fait passer pour « LockBit 4.0 » ou encore AsiriumSquad et Ikaruz Red Team. Le premier apparaît avoir réussi à se faire payer au moins 10 fois depuis début février, pour un total d’un peu plus de 0,15 btc. C’est le seul du lot pour lequel nous avons pu retracer les paiements.

Random131313 se distingue, dans ce groupe, par une tarification progressive, de 2 000 $ à 11 000 $ suivant le temps écoulé, et avec une condition : pas de négociation, tant que 2 000 $ n’ont pas déjà été versés.

Le cluster TronBit n'est guère plus exigeant mais se fait payer en USDT-TRC20. Et il semble y être parvenu plus de 70 fois depuis le début 2024. 

Condensats SHA-1 des échantillons étudiés.
LockBit 4.0 Ransomware
1713ba54373bbdfed5b07e6244e1597ac94f5e2c
f7d5e39e1b031002887b4a7d8a8ef889c892c3e7
bc0f3b9a7f1cfc415e4a34b48f065e0025ee9c5f
e16a5d32dea354085cd845f9ab8b3d778f890cb4
AsiriumSquad
2c3b2ed20f1e8e630c61109288bd0ac64b5e0329
Ikaruz Red Team
b65183cc886185a8c34860f68d3289d8e9dd84e3
41258492cf2d2571430297723d82195d0b8c59bc
8013e91c3eb96befc40b00aecc21784750c59fbe
Abdrahamteam
644e760bf43d414b988e482cec9369ab47f11d16
ca91c5dbf952cb8d17b681e56c66288b7adee5c0
Rans0m Resp0nse Ransomware RR
5bb4d855b203b3382e60da82dda1f60ac23c4d5
AlphaCat
58bb54cd72323d0a73a3839e1b00b84d9260dcb3
BlackCat
6658f7ea0ddb3d583f2784dc1d1708199d6dc341
PC Locker 3.0 by Mr.Robot
f12b6544e3ddb41439bdfcc0ff8422d6372a1276
c1047d72d4cdce21af4bb989ad1bee437edb7f80
Random131313
61266a3dcc0d15707eaddeecf73c59ce78b6d6b5
Bit Decryptor
59e7be8bd12e72cb3afa165bff2a8287ea1aab5d
Shopsupportoff
44a08da376850ffe5634f8bf8d3bc2dde52ed8a2
Keying
7fd534c2b3e6d2e0828520fa04c24d180fa8788c
SEXi
2a100aa5902ba6f9f35187117182afabf220071b
Autres
0adeef58c872f8fd1143070cff8fb2415a258189
066eb262028923c3d20f5ce4069d26b9371911bc
34270e442f37cd46db49d6896a8f154980af855f
804d8778530d2ee8f5b6911f206971c62a739af4
48a17b8585142c9d7f9cd2feb6cf20c1accdd4e8
1d37498749181a19cb171b9813a51ae4cf288eba
6c29c41ca7d413846057b6f32059ca1c714782bb

Ces acteurs malveillants n’en sont pour autant pas moins dangereux. Les équipes de renseignement sur les menaces d’Equinix en suivent ainsi un, sous la référence ETG-01, qui utilise le builder de LockBit 3.0 pour les systèmes Windows et un variant de Babuk pour les hôtes VMware ESXi, appelé SEXi.

Ceux qui préparent leur montée en gamme

Dans cette catégorie-là, nous avons observé deux enseignes émergentes : Brain Cipher Ransomware et Nullbulge Lock. Aucun des deux n’a de vitrine connue à l’heure où ces lignes sont publiées. Mais tous les deux fournissent un lien vers une interface Web, accessible via Tor, pour les négociations. 

Exemple de ransom note de Brain Cipher.

Celle de Brain Cipher Ransomware est, pour l’heure, assez basique, mais sa seule existence suggère celle d’un backend de gestion des négociations et des paiements tels qu’un système de gestion de tickets de support ou de relation client. 

Selon nos informations, les opérateurs de Brain Cipher Ransomware ont déjà fait des victimes de premier rang, demandant des rançons à six chiffres. L’apparition prochaine d’une vitrine aux couleurs de cette enseigne apparaît dès lors vraisemblable. 

Condensats SHA-1 des échantillons étudiés.
Brain Cipher Ransomware
968c4ae64dcb71c9eeffd812ef38a69d5548b3bb
Nullbulge Lock
89d9b7c3eff0a15dc9dbbfe2163de7d5e9479f58

Ceux qui l’ont déjà opérée

Deux enseignes sont déjà passées à l’étape suivante : DragonForce et SenSayQ. Le site vitrine de ce dernier a été découvert début juin. Pour l’heure, seules deux victimes y ont été revendiquées.

DragonForce est plus prolixe : on lui connaît 65 victimes à ce jour, dont un opérateur de transports en commun à Honolulu, ou encore Seafrigo en France. Son site vitrine est connu depuis la mi-décembre 2023. Selon Cyble (spécialiste du renseignement sur les menaces), le groupe est effectivement apparu en novembre dernier. 

Exemple de ransom note de SenSayQ.

La note de rançon déposée à l’occasion du déclenchement du chiffrement contient, comme il se doit, les informations nécessaires pour engager la négociation. 

DragonForce accepte la négociation par Tox ou via une interface Web dédiée, tandis que SensayQ prend en charge le mail et sa propre interface Web. 

Les revendications de DragonForce font ressortir d’importantes différences dans les volumes de données volées et ainsi, potentiellement, l’attention apportée à conduire les attaques en profondeur et avec discrétion : de quelques gigaoctets de données à plusieurs centaines de gigaoctets, selon les cas. Chaque divulgation apparaît faire l’objet de la création d’un onion dédié – sans que cela implique un serveur différent à chaque fois. 

Condensats SHA-1 des échantillons étudiés.
DragonForce
e164bbaf848fa5d46fa42f62402a1c55330ef562
a05551c8536eb6489651a9481911d107fd1c34ef
SensayQ
7a5d444aedf8315a6345e07415b5d8e69d3708a8
7e342f213c6762f78cd093ec4301515ed7490f4f

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