Fusion Oracle / Sun : la Commission européenne s'oppose à l'absorption de MySQL
L'intégration de MySQL dans Oracle pose problème à l'antitrust européen, qui vient officiellement d'émettre des objections au rachat de Sun - actuel possesseur du SGBD Open Source - par la firme de Larry Ellison. L'éditeur a répondu vertement aux remarques de l'Europe. Entre les deux parties, le torchon brûle.
C'est fait. La Commission européenne a officiellement émis des objections sur le rachat de Sun par Oracle. Pressenties depuis quelques semaines - après la décision de Bruxelles de lancer une enquête approfondie sur le sujet -, les remarques de l'Europe portent uniquement sur l'absorption de MySQL - la base de données Open Source aujourd'hui dans le giron de Sun - par le géant mondial des SGBD. Dans un document transmis au gendarme des bourses américaines (la SEC), Sun explique que la Commission s'inquiètent des "effets potentiels négatifs de ce regroupement sur la concurrence dans le marché des bases de données".
Les objections de Bruxelles ne signifient pas - pour l'instant - que l'administration européenne s'oppose au rachat, mais constituent une étape appelant Oracle à donner des garanties permettant de lever lesdites remarques. Et on peut dire que la réplique de l'éditeur n'a pas tardé, mais sans aller dans le sens de l'apaisement : dans un communiqué, la firme de Larry Ellison explique que la position de l'Europe "révèle une incompréhension profonde tant de la concurrence dans les bases de données que des dynamiques de l'Open Source. Les personnes qui connaissent bien l'Open Source (sous-entendu ce qui n'est pas le cas de la Commission, ndlr) savent que, puisque MySQL est un logiciel Open Source, il ne peut être contrôlé par une entité en particulier". Remarquons au passage que, ces derniers mois, plusieurs personnalités emblématiques du logiciel libre - dont Marten Mickos, l'ex-Pdg de MySQL aujourd'hui parti vers d'autres aventures, ou Larry Augustin, le patron de l'éditeur SugarCRM - ont donné raison à Oracle sur ce point.
Pas question de renoncer à MySQL, tonne Oracle
L'éditeur, qui rappelle que le ministère américain de la Justice a donné son accord à la fusion, conclut en martelant : "étant donné l'absence de théorie crédible ou de preuve d'une quelconque distorsion de concurrence, nous sommes confiants dans le fait que nous finirons par obtenir un feu vert sans condition concernant cette transaction". En bref, malgré l'obstruction de l'Europe, Oracle n'entend pas renoncer à MySQL.
Reste que l'attitude très raide du géant américain ne risque pas d'infléchir rapidement la position de Bruxelles. Rappelons que, fin octobre, suite à une rencontre entre Safra Catz, présidente d’Oracle, et Neelie Kroes, commissaire européenne chargée de la Concurrence, un porte-parole de l'administration du Vieux Continent avait expliqué à nos confrères de Computerworld : « La Commission est très déçue qu’Oracle n’ait pas produit, en dépit de requêtes répétées, les preuves véritables qu’il n’y avait aucun problème de distorsion de la concurrence, ou encore proposé de moyen éventuel de régler ceux qui étaient identifiés par la Commission ». La veille de ces déclarations acides, Sun avait annoncé le licenciement de 3 000 salariés. Une façon de pointer du doigt la responsabilité de la Commission, qui en bloquant la fusion affaiblit de facto Sun. Car, en pleine incertitude, Sun est en rapide perte de vitesse, comme en témoignent ses calamiteux résultats trimestriels annoncés hier. Fin septembre, Larry Ellison expliquait qu'en l'état - autrement dit du fait du blocage de l'Europe -, le constructeur perd 100 millions de dollars par mois.
Les bons offices de Leo Apotheker
Bref, entre l'administration du Vieux Continent et l'arrogant éditeur, le torchon brûle, chacun accusant l'autre d'être responsable du blocage actuel. Une radicalisation qui n'augure pas d'un règlement rapide du conflit, au grand dam d'un Sun de plus en plus exsangue. Hier, la presse américaine révélait que Leo Apotheker, la patron de SAP, avait écrit une lettre à Larry Ellison pour se poser en médiateur entre les deux parties. Jouant sur son influence auprès de la Commission, l'éditeur allemand propose une rencontre "pour tenter de résoudre nos problèmes et d'autres soucis en cours entre nos deux groupes". Un curieux marchandage, puisque le géant européen de l'ERP reste sous le coup d'une enquête aux Etats-Unis, portant sur des accusations d'espionnage industriel émises par Oracle à l'encontre d'une de ses filiales, TomorrowNow.