Avec sa licence OHL, le Cern crée une rampe de lancement pour l'Open Hardware
Le Cern a publié la version 1.1 de sa licence OHL, qui encadre les plans et documentations d'équipements aux spécifications libres (Open Hardware). Ce cadre juridique, qui impose un suivi des modifications et de la production, est vu comme un passage obligé pour accélérer l'industrialisation diu modèle Open Hardware. Histoire d'installer un peu plus le concept de matériel libre dans le paysage de l'IT.
Un grand en avant pour l'Open Hardware ? Le très sérieux Centre Européen pour la recherche nucléaire (CERN) de Genève, vient d’annoncer la publication de la version 1.1 de sa licence OHL (Open Hardware Licence), qui " offre un cadre juridique de nature à faciliter l’échange de connaissances au sein de la communauté des concepteurs d’électronique“, explique l'institution dans un communiqué de presse. Une version qui arrive quelques mois à peine après une première mouture plus ou moins passée sous silence.
Cette licence est née d'une première incursion de l’organisation dans le monde l'Open Hardware, il y a deux ans. A l'époque, explique la revue Cern Courier, "les concepteurs travaillant dans des laboratoires de physique expérimentale ont estimé nécessaire de faciliter les échanges à très grande échelle, pour aller dans le sens d’une science « ouverte »". Est alors né l'Open Hardware Repository, un dépôt permettant aux scientifiques d'échanger et de partager leurs travaux en matière de plans, documentations et schémas, afin de favoriser la ré-utilisation de contenus existant et d'éviter de dupliquer leurs efforts.
Il faut préciser que l'Open Hardware constitue le pendant matériel de l'Open Source, tourné vers le logiciel. Dans l'Open Hardware, les schémas, la documentation ainsi que les bonnes pratiques sont ouvertes et représentent le "code source" du hardware, pour utiliser une métaphore empruntée au monde du logiciel ouvert. Le mouvement, s'il reste aujourd'hui embryonnaire, fait toutefois l’objet de beaucoup d’intérêt. En avril dernier, il a même était mis en vedette, lors du lancement par Facebook du projet Open Compute. Ce projet vise à rendre public les méthodes de conception et de développement du datacenter du fournisseur de service de l'Oregon - le plus green selon le réseau social - , ainsi que les plans et spécifications des serveurs qu'il héberge.
Un suivi des modifications et de la production
Pas question pour autant de surfer sur une quelconque tendance. Le Cern a ancré son mode de conception dans l'Open Hardware et Open Hardware Repository compte désormais quelque 40 projets, explique Cern Courier, "tous issus d’instituts tels que le Cern, GSI Darmstadt et l’Université du Cap". Il ne manquait plus qu'une licence pour fournir un cadre juridique propice à sécuriser et favoriser ces échanges.
Pour Jérémie Bourdoncle, Pdg d'Hedera Technology, une société française spécialisée dans l'Open hardware, c'est justement cette notion de partage, que la licence du Cern vient formaliser. En apportant un cadre dont souffrait le monde du hardware Open Source : celui du "manque de suivi des documentations et des plans" ainsi que celui de "la traçabilité des productions" réalisées à partir de ces mêmes plans.
Selon les termes de la licence, explique-t-il, "le propriétaire initial doit être averti en cas de modifications effectuées sur les plans. Si par exemple, un constructeur décide d'ajouter un composant au plan original, il a dans l'obligation d'en avertir le concepteur initial des plans". Selon lui, ce suivi des modifications, très centralisé dans le monde du logiciel Open Source grâce notamment aux forges (des dépôts de codes et de projets Open Source à l'image de Sourceforge) et aux outils de suivi de modification de code source, était encore absent du monde l'Open Hardware.
Mais le Cern va également plus loin, en faisant entrer dans le cadre de sa licence le suivi de la production. "Nous ne disposions pas d'informations sur les personnes qui utilisaient les plans et les documentations. La licence du Cern impose aux personnes qui ont fabriqué des composants à partir de ces plans, de fournir des informations sur la production qui en a résulté", explique Jérémie Bourdoncle. Des informations liées notamment à leur identité et au volume de production réalisé à partir des plans initiaux.
"Cette licence est la seule à introduire ce suivi de la production et à réduire la fracture connue dans le monde de l'Open Hardware : celle entre le téléchargement de plan et la mise en production", ajoute-t-il. Tout en précisant que jusqu'alors Hedera Technology avait placé des plans sous une licence Creative Commons.
Surtout, en créant un cadre plus juridique, la licence Open Hardware du Cern ouvre la voie à l’industrialisation du modèle. "L'intérêt de cette licence est également de rassurer les entreprises qui peuvent désormais bâtir une activité, ainsi qu'un modèle économique en ayant davantage de visibilité", souligne Jérémie Bourdoncle. L'Open Hardware aurait-il trouvé sa structure ?