Projets IT : Paye de fonctionnaires, HR Access grille la politesse à SAP
Le consortium Accenture-Logica-Sopra mettra en place le système centralisé de gestion de la paye des quelque 3 millions de fonctionnaires français. La solution sera bâtie sur le progiciel de l'éditeur HR Access. Un sérieux revers pour SAP, également en lice.
C'est un sérieux revers pour SAP et IBM. Pour le système de paye de 3,1 millions de fonctionnaires (civils et militaires), à l'issue d'un appel d'offre de plus d'un an, l'Opérateur national de paye (ONP), structure mise en place en 2007 pour gérer le sujet, a choisi la solution logicielle HR Access, révèle aujourd'hui le quotidien La Tribune. La mise en œuvre sera assurée par Accenture, appuyée par Logica et Sopra. Le contrat - un accord-cadre d'une durée de 9 ans - couvre tant la fourniture de la solution, que l'intégration avec les systèmes RH des ministères, le déploiement, la formation des utilisateurs et la maintenance du futur système. Selon La Tribune, la construction de la solution coûtera, à elle seule, entre 70 et 80 millions d'euros. Mais le coût total du projet pourrait être trois à cinq fois supérieur.
Confiant jusqu'au début de l'été, alors qu'il était engagé dans un processus de "dialogue compétitif" avec l'autre consortium, l'attelage SAP-IBM (épaulé par Steria) enregistre là un sérieux revers. Selon La Tribune, après avoir appris son échec fin août, IBM a d'ailleurs déposé un recours contre la décision de l'ONP de choisir l'option rivale, un recours rejeté hier. Pour SAP également, le coup est rude. Du fait de sa présence au cœur de la comptabilité de l'Etat - via le projet Chorus -, l'éditeur allemand pouvait espérer, pour des raisons de cohérence et d'intégration, voir sa présence s'étendre dans les systèmes centraux de l'Etat. Mais les récentes critiques de la Cour des comptes et de la Commission des Finances à l'encontre de Chorus ont pu peser contre l'offre de l'éditeur allemand. En dehors des coûts de ce projet pharaonique, des voix s'élèvent au sein de l'Etat pour mettre en garde contre le risque de dépendance trop forte vis-à-vis de SAP. Choisir HR Access sur l'autre projet monstre de mutualisation apparaît donc aussi comme un moyen de rééquilibrer le jeu.
"Tous les voyants sont déjà au rouge"
Si le besoin de remplacer l'application de paye du Trésor public - qui date des années 70 - ne fait pas débat, pas plus que le besoin d'harmoniser la collecte des informations nécessaires à l'établissement des feuilles de paie au sein des différents ministères, le choix d'un progiciel aussi lourd pose question. Une source, très au fait des projets de système d'information de l'Etat, explique ainsi : "on sous-estime l'importance de l'interface entre les systèmes RH et la paye, ce qui a été la cause de nombreux échecs dans le privé. On ne sait toujours pas qui, entre les ministères et l'ONP, possédera le fichier maître. Par ailleurs, tant SAP que HR Access sont des outils trop compliqués à paramétrer et trop chers pour gérer un processus aussi simple que la paie. Pour moi, d'ores et déjà, tous les clignotants sont au rouge sur ce projet". A l'inverse, une source, faisant partie du consortium vainqueur, voit le projet de gestion de la paye comme une première étape, avant une mutualisation de l'ensemble des systèmes RH de l'Etat. D'où le choix d'un outil ambitieux dès le départ.
Le calendrier prévoit que la construction de la solution s'étalera jusqu'au début 2012, pour le lancement d'un pilote courant 2012 (sur 500 000 agents). Le déploiement, par paliers, doit suivre (avec intégration de 500 000 agents par an). L'ONP envisage un retour sur investissement sur cinq ans. Le projet doit notamment déboucher sur la suppression de 3 000 postes dédiés à la paye dans les ministres et de 800 au Trésor public. Aujourd'hui, le traitement de la paye occupe environ 10 000 fonctionnaires (sans compter les personnels du Trésor public), mais la productivité varie dans des proportions allant de 1 à 10 selon les ministères.